lundi 9 juin 2025

[Sylvain Maréchal] Pour et contre la Bible, par Sylvain M***. A Jérusalem [Paris], l'an de l'ère chrétienne, M. DCCCI. [1801]. 1 volume in-8. Reliure strictement de l'époque plein veau glacé caramel signée Thouvenin. Edition originale et unique édition. Exemplaire sur grand papier vélin. Bel exemplaire finement relié à l'époque par Thouvenin de ce violent pamphlet anticlérical.


[Sylvain Maréchal]

Pour et contre la Bible, par Sylvain M***.

A Jérusalem [Paris], l'an de l'ère chrétienne, M. DCCCI. [1801]

1 volume in-8 (21 x 13,5 cm) de XXXV-(1)-404 pages.

Reliure strictement de l'époque plein veau glacé caramel, dos à faux nerfs orné de fleurons et filets dorés, filets noirs encadrant les nerfs, filet doré et roulette à froid en encadrement des plats, roulette dorée sur les coupes, roulette dorée en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier marbré, tranches marbrées (reliure signée THOUVENIN en queue du dos). Quelques légères usures aux extrémités des coiffes, fente au mors inférieur en tête (sans conséquence sur la solidité de la reliure), légères marques et frottements. Reliure très fraîche, solide et décorative. Intérieur frais imprimé sur beau papier vélin. Quelques pâles rousseurs aux premiers et derniers feuillets du volume dans les marges uniquement.

Edition originale et unique édition.

Exemplaire sur grand papier vélin.


L'auteur donne en regard du titre la motivation qui l'a conduit à écrire cet ouvrage :

« N. B. La Bible, ayant toujours été hors du rang des autres livres, n’a jamais été soumise à une critique impartiale. Prévenus pour ou contre, les lecteurs en ont presque toujours porté un jugement suspect. Les théologiens en ont pallié les défauts et exagéré les beautés ; ceux qui ne sont pas théologiens ont pris trop souvent l’inverse. Il est temps de faire rentrer la Bible dans la classe des livres ordinaires ; et, abstraction faite de tout motif étranger, de lui faire subir l’examen de la raison. Franchise et impartialité !.... Un pareil ouvrage manquait. Ce Traité pour et contre la Bible est mis sous la sauvegarde de la liberté de penser. La liberté de penser et d’écrire ce qu’on pense, est chose sainte. »

Le volume s'ouvre sur une Epître aux ministres de tous les cultes (pp. V à XXXV). Cet ouvrage est l'une des plus violentes attaques contre la religion, les prêtres, l'église, les croyances en général. Sylvain Maréchal écrit : « La Bible est le plus absurde, le plus inutile, le plus immoral, le plus malfaisant de tous les livres ».









« Ce Traité pour et contre la Bible ne vous apprendra rien de nouveau ; plus que personne, vous savez le fort et le faible de vos livres, et le défaut de la cuirasse de vos dieux : permettez à d’autres que vous de porter un œil impartial au fond du sanctuaire où, depuis assez long-temps, l’imposture jouit du droit d’asile. Souffrez donc… Ou plutôt, rougissez enfin du rôle que vous vous transmettez de main en main depuis quatre mille ans. Sorti de sa première enfance, le genre humain est d’âge à passer du régime des nourrices à celui de la raison. Ce serait vous outrager, sans doute, que de vous croire dupes, les premiers, des fables dont vous faites trafic. Non, certes ! vous n’êtes point des dupes ; cessez d’en faire. Osez aspirer à des idées libérales. Il est possible encore que vous repreniez votre rang parmi les êtres estimables. Nous consentirions volontiers à oublier ce que vous avez été, si vous nous promettez sincèrement de travailler à redevenir ce que vous n’auriez dû jamais cesser d’être. La tâche que vous avez contractée (nous aimons à le penser) n’est pas tout-à-fait indélébile. Déjà, plusieurs d’entre vous ont mis bas le masque et l’habit de caractère ; suivez cet exemple, ou soyez d’aussi bonne foi que plusieurs de vos devanciers au second siècle du christianisme. Les prêtres Montanistes suspendaient à la voûte de leur église un ballon rempli de vent, et dansaient dessous, en psalmodiant l’hymne du Saint-Esprit, dont ce ballon, plein de vent, était la parabole. Au nom de la raison, à laquelle il n’est jamais trop tard de retourner ; au nom de la morale, qui, depuis un si long-temps, souffre et gémit de son alliance avec le culte ; au nom de la postérité impitoyable qui s’apprête à vous flétrir, si vous vous obstinez à traîner le peuple dans nos vieilles ornières, respectez-vous assez, respectez assez vos semblables pour mettre un terme à la dégradation de l’espèce humaine. Ne devez-vous pas être satisfaits ? Quatre milliers d’années de mensonges ne vous suffisent-ils pas ? Déposez le sceptre de l’opinion, que vous avez laissé salir entre vos mains. Songez donc que dix-huit siècles datent déjà depuis la seconde époque, du renouvellement de vos solennités grossières, ridicules et coupables : faut-il encore que le XIXᵉ siècle en soit infecté ? Vous le voyez, presque toutes les sciences font, chaque jour, un pas vers la lumière ; vous seuls serez-vous stationnaires dans les ténèbres ? Comment pourriez-vous échapper à la risée universelle, s’il prenait fantaisie à quelque malin chimiste, au milieu d’un cours, de mettre à l’alambic le sang de votre Dieu et son corps dans le creuset, et s’il en répétait l’analyse dans tous les carrefours ? Hâtez-vous donc d’abjurer une profession que vous ne pouvez plus exercer sans exciter le rire, et sans en rire vous-mêmes derrière vos autels. Saisissez le seul moyen qui vous reste de mériter votre pardon, en faisant justice de vos propres inventions. Qu’attendez-vous… ? Un jour, le rôle que vous persistez à remplir deviendra un problème historique. Les Suamistes futurs auront de la peine, avec toute leur érudition, à rendre vraisemblable votre existence actuelle. On ne voudra pas les croire ; on ne voudra pas croire qu’il fut un temps, un très long temps, pendant lequel, sous les yeux de la philosophie, des hommes sans vergogne offraient aux adorations de toute la terre un Dieu fait pain entre leurs doigts bénits : du moins, redoutez l’avenir. Encore un peu de temps, et cette plèbe, qui s’agenouille à votre table pour y manger un Dieu de votre façon, voudra peut-être se dédommager avec violence, avec éclat, d’avoir été votre jouet. [...] » (extrait de l'Epître aux Ministres du culte)

L'auteur use d'un humour le plus souvent sarcastique pour ne pas dire plus. Il écrit par exemple à l'égard du pain et de dieu : « C’est une grande question de savoir si Dieu est dans le pain ou autour du pain, sur ou sous le pain. Consultez l’Histoire des Impanateurs. »

Il conclut son ouvrage par cette sentence : « Eclairer les hommes vaut mieux que les tuer pour les rendre meilleurs. »













Pierre Sylvain Maréchal, né à Paris le 15 août 1750 et décédé à Montrouge le 18 janvier 1803 (28 nivôse an XI), fut un écrivain, poète et pamphlétaire français. Républicain engagé, animé par un idéal d’égalité sociale, il est considéré comme un précurseur à la fois de la grève générale et des idées anarchistes. Sous le Directoire, il prend part, aux côtés de Gracchus Babeuf, à la Conjuration des Égaux, avant de s'opposer aux visées autoritaires de Bonaparte. Soucieux de libérer l’homme de toutes formes d’asservissement, Sylvain Maréchal — surnommé « l’homme sans Dieu » — s’impose comme l’un des plus ardents défenseurs de l’athéisme pendant la Révolution française, se plaçant ainsi dans les pas du Baron d'Holbach. Il milite activement pour l’abolition du clergé et la disparition des institutions religieuses. Par ailleurs, il fut le principal rédacteur des Révolutions de Paris, l’un des journaux les plus influents de son temps. 

On lit ici ou là que cet ouvrage a été presque entièrement détruit. Et le sujet et la manière dont il a été traité peut laisser croire à cette destruction des exemplaires. On en trouve encore néanmoins quelques exemplaires dans les catalogues. Ce qui est nettement plus rare c'est le fait que notre exemplaire soit revêtu d'une très jolie reliure de l'époque signée Thouvenin, grand relieur de son temps.

Un hasard insoupçonnable fait que l'ouvrage de Sylvain Maréchal est publié peu de temps avant le Génie du Christianisme de Chateaubriand, comme une antithèse à cet ouvrage de rénovation de la foi.

Références : Caillet 7125 : "Ouvrage rare et recherché." ; Casimir-Alexandre Fusil, Sylvain Maréchal : ou L'homme sans Dieu (Plon, 1936)

Bel exemplaire finement relié à l'époque par Thouvenin de ce violent pamphlet anticlérical.

Prix : 1.650 euros