samedi 14 juin 2025

ARGENSON (R. L. de Voyer de Paulmy, Marquis d') | Marquis d'Aligre (Etienne Jean François), pair de France (provenance) Considérations sur le Gouvernement ancien et présent de la France. A Amsterdam, chez Marc Michel Rey, 1765 [i.e. Paris ?] 1 volume in-8 relié plein veau à l'époque. Bel exemplaire provenant de la bibliothèque d'Étienne Jean François d'Aligre (1770-1847) avec son ex libris gravé armorié, fils d'Etienne François d'Aligre (1727-1798), premier Président du Parlement de Paris.



ARGENSON (R. L. de Voyer de Paulmy, Marquis d') | Marquis d'Aligre (Etienne Jean François), pair de France (provenance)

Considérations sur le Gouvernement ancien et présent de la France.

A Amsterdam, chez Marc Michel Rey, 1765 [i.e. Paris ?]

1 volume in-8 (19,5 x 12,8 cm) de XVI-328 pages. Page de titre imprimée en rouge et noir avec une jolie vignette gravée à l'eau-forte.

Reliure strictement de l'époque plein veau caramel décoré à l'acide, dos lisse orné, roulette dorée en encadrement des plats, filet doré sur les coupes, doublures et gardes de papier peigne, tranches dorées.








Nouvelle édition.

La première édition a paru chez le même éditeur Marc-Michel Rey en 1764. Au moins trois éditions ont paru entre 1764 et 1765. Néanmoins plusieurs éditions ont paru à la même époque à Paris, soit chez la Veuve Duchesne, soit chez Barrois, soit sous la fausse adresse de Marc-Michel Rey. Notre exemplaire est orné d'une vignette qui n'est pas la marque habituelle de Marc-Michel Rey ; de même la signature par cahiers "à la française" laisse supposer une impression clandestine parisienne plutôt qu'une production hollandaise.

Ouvrage majeur de la pensée politique du XVIIIe siècle, ces Considérations rédigées entre 1734 et 1755 mais publiées seulement en 1764, un an après la mort de leur auteur, offrent une critique lucide et audacieuse de l’absolutisme monarchique en France. Le marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV, y développe une réflexion approfondie sur les institutions françaises, en les confrontant aux modèles antiques et étrangers, et surtout en appelant de ses vœux une réforme en profondeur de l'État fondée sur la participation du peuple, la décentralisation et la justice sociale. Prônant une monarchie tempérée et une noblesse au service du bien commun, il se fait le précurseur des Lumières réformatrices et de certaines idées qui trouveront un écho sous la Révolution. L’ouvrage séduit par son ton libre, ses formules vigoureuses et son regard pénétrant sur les rouages de l’administration royale. Il dénonce les abus de la centralisation, l’inefficacité de la justice, l’ignorance du peuple, tout en proposant des solutions concrètes telles que des assemblées provinciales, une plus juste répartition de l’impôt, ou une éducation plus largement répandue. Véritable laboratoire intellectuel de la réforme politique à la veille des bouleversements de 1789, ces Considérations restent un témoignage capital de la pensée réformatrice d’un aristocrate éclairé.

"En matière sociale et politique les idées de d'Argenson sont à la fois hardies, brutales et timorées.... (il) tend vers une sorte de socialisme imposé et surveillé par une aristocratie qui n'en prendrait que ce qu'elle voudrait" (Mornet, Origines intellectuelles de la Révolution Française).








C’est une prévention presque générale en France depuis le Ministère du Cardinal de Richelieu, que la gloire & la force de l’autorité Royale résident dans la dépendance servile des Sujets : on se propose de prouver le contraire dans ce Traité, & d’établir quelles étaient les imperfections du Gouvernement Féodal ; on examinera à cet effet les différents Gouvernements des souverainetés de l’Europe ; & on montrera par cet examen que l’administration populaire sous l’autorité du Souverain, ne diminue point la puissance publique, qu’elle l’augmente même & qu’elle ferait la source du bonheur des Peuples. Ces vérités exposées, on proposera quelques principes pour assurer le repos au dehors comme au dedans de l’État. (Avertissement)

Il y a déjà plusieurs années qu’il s’est répandu des copies manuscrites de cet ouvrage, & il a mérité les éloges de tous ceux qui l’ont lu. Mr. Rousseau qui en parle dans diverses notes du Contrat Social, parait en faire beaucoup de cas. Le Libraire en cherchait une copie, lorsque se trouvant à Genève en Juillet 1763, Mr. Gab. Cramer Libraire de cette ville, lui en montra une qu’on lui avait envoyée pour l’imprimer. Mais des raisons particulières l’en ayant empêché, il en fit présent à son confrère qui saisit l’occasion présente de faire connaître sa générosité, & de lui en témoigner publiquement sa reconnaissance. On a donc cru faire plaisir au public en imprimant cet ouvrage & certainement il ne pouvait paraître dans des circonstances plus propres à en rendre la lecture intéressante. Malheureusement la copie qu’on a entre les mains s’est trouvée pleine de fautes. Ce n’est qu’en revoyant les dernières épreuves de la neuvième & de la dixième feuille qu’on s’en est aperçu. On a d’abord suspendu l’impression & l’on n’a rien négligé pour se procurer une copie plus correcte. Tous les soins qu’on s’est donnés pour cela ayant été inutiles, on a été obligé de passer outre ; Mais on a revu avec la plus grande attention les dernières feuilles, & à l’exception de deux ou trois endroits qu’on n’entendait pas & auxquels l’on n’a pas osé toucher, de peur de faire dire à l’auteur ce qu’il n’avait pas pensé, l’on se flatte de n’y avoir laissé aucune faute considérable. On a suppléé par un Errata à celles qui sont restées dans les huit premières feuilles. Le Libraire qui n’a rien épargné jusqu’ici pour donner des éditions exactes, espère que l’impossibilité où il a été de faire mieux excusera les imperfections de celle-ci, & qu’elles ne nuiront point au succès d’un Ouvrage aussi estimable. (Avis du libraire)

Provenance : de la bibliothèque d'Étienne Jean François d'Aligre (1770-1847) avec son ex libris gravé armorié, fils d'Etienne François d'Aligre (1727-1798), premier Président du Parlement de Paris. Ce volume a très probablement tout d'abord appartenu à la bibliothèque Etienne François. Les d'Aligre sont une illustre famille de magistrats. Etienne François d'Aligre amassa une fortune considérable. Selon M. Provost dans le dictionnaire biographique de Roman d'Amat : « Il avait, disait-on, cinq millions de capitaux dans la banque à Londres et disposait de 700 000 livres de revenu ; les présidents étant associés à toutes les affaires comportant des épices, il aurait touché, en dix-sept ans, des vacations représentant quatre cents années de travail. » Il consacra une partie importante de sa fortune à restaurer son château de Baronville, dans l'actuelle Eure-et-Loir, et à en reconstituer les anciens jardins. Son fils ne fut pas moins fortuné. A la mort de son père il entra en possession de l'immense héritage que l'extrême parcimonie de ses père et mère lui avait laissé, et, lors de l'avènement de Napoléon Ier, accepta les fonctions de chambellan auprès de la princesse Pauline Bonaparte, épouse du général Leclerc puis du Prince Borghese. Il avait été, l'année d'avant, nommé membre du conseil général du département de la Seine. Toutefois, il ne consentit jamais, malgré les plus vives instances de l'Empereur, à donner sa fille en mariage au général Arrighi, parent de Napoléon. Deux fois président du collège électoral d'Eure-et-Loir, le marquis fut un des commissaires chargés de recevoir Louis XVIII à son entrée dans Paris (1814). La Restauration l'appela, le 17 août 1815, à la dignité de pair de France. Il inaugura sa pairie à l'occasion du procès du maréchal Ney : à l'appel nominal qui eut, lieu, dans la séance du 6 décembre, sur l'application de la peine, d'Aligre fut le premier des cinq membres qui s'abstinrent de prendre part au vote. Pendant toute la durée de la Restauration, partisan dévoué de la monarchie constitutionnelle, il n'accorda son suffrage à aucune des mesures réclamées par le ministère de M. de Villèle ; aussi, après les journées de Juillet 1830, fut-il du nombre des pairs que le gouvernement de Louis-Philippe Ier conserva dans la Chambre haute. Il y siégea jusqu'à sa mort. Sa fortune était immense. Il possédait 21 000 hectares de terre jusque dans la région de Bordeaux. Ce fut lui qui acheta le château des Vaux en l'an 1804. Il eut une fille unique. Armes du marquis d'Aligre, pair de France : Burelé d'or et d'azur (de dix pièces), au chef du second, chargé de trois soleils du premier. Cette famille possédait une très riche bibliothèque qui a été dispersée depuis.

Bel exemplaire de provenance intéressante.

Prix : 950 euros