L'OEUVRE par Emile Zola. Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second empire.
Paris, G. Charpentier et Cie, 1886 [Typographie Georges Chamerot, Paris]
1 volume in-18 (19,3 x 12,5 cm) de (4)-491 pages.
Reliure bradel demi-maroquin vert sombre, dos strié de filets à froid verticaux avec au centre le titre doré en long, plats de peau de vélin véritable, doublures et gardes de papier vert et or fait main. Relié sur brochure à toutes marges, non rogné, les deux plats de couverture ont été conservés (sans le dos) en superbe état. Reliure non signée mais une note manuscrite au crayon dans un exemplaire avec une reliure identique indique que la reliure est de Bayard à Lyon (vers 1930). Reliure en parfait état et très originale dans le goût typique Art Déco. L'intérieur du volume est remarquablement frais, imprimé du début à la fin sur un beau papier vélin fin satiné, absolument sans aucune rousseur.
Edition originale.
Celui-ci, un des exemplaires sur papier ordinaire du premier mille sans mention (un des 1000 premiers exemplaires imprimés).
Celui-ci, un des exemplaires sur papier ordinaire du premier mille sans mention (un des 1000 premiers exemplaires imprimés).
Exemplaire remarquable imprimé sur beau papier vélin fin satiné absolument sans rousseurs. Ce qui en fait, de fait, un plus bel exemplaire qu'un exemplaire sur grand papier (il faut souligner et insister sur cet état très rare).
Il a été fait un tirage sur grands papiers à 175 exemplaires sur Hollande et à 10 exemplaires sur Japon (non mentionnés par Vicaire).
Il a été fait un tirage sur grands papiers à 175 exemplaires sur Hollande et à 10 exemplaires sur Japon (non mentionnés par Vicaire).
A noter également que notre exemplaire est très grand de marges (plus grandes que les marges d'un exemplaire sur Hollande avec lequel nous avons pu comparer).
Il s'agit du 14ème opus de l'épopée naturaliste des Rougon-Macquart publiés entre 1871 et 1893. La première livraison du Gil Blas est du 23 décembre 1885, la dernière sera celle du 27 mars 1886, et Zola mettra un point final à son roman le 23 février 1886 ("Mon cher Céard, je n'ai fini L'Oeuvre que ce matin. Ce roman où mes souvenirs ont débordé, a pris une longueur inattendue [...]. M'en voici délivré, et je suis bien heureux, très content de la fin, d'ailleurs.", lettre à Henry Céard).
Le roman est aussitôt publié en volume, chez Charpentier, en mars 1886.
Dans le cadre de son cycle des Rougon-Macquart, Zola avait prévu de consacrer un roman au milieu des artistes. Il en trace une première ébauche en mars 1885, mais n’en commence réellement la rédaction que le 12 mai de la même année — date qu’il inscrit lui-même sur le manuscrit. Comme à son habitude, entre l’esquisse initiale et l’écriture, Zola mène une enquête approfondie et rassemble une abondante documentation. Il confie cependant à Van Santon Kolff, dans une lettre datée du 6 juillet : « C’est toute ma jeunesse que je raconte, j’y ai mis tous mes amis, je m’y suis mis moi-même. »
Zola, en effet, fréquente depuis le collège d’Aix-en-Provence son ami Paul Cézanne. Grâce à lui, il pénètre les cercles de peintres novateurs, partageant leur ambition de renouveler profondément l’art, de créer une peinture véritablement "moderne". Pourtant, il serait réducteur de considérer L’Œuvre comme un simple roman à clef, bien que Cézanne se soit senti visé en se reconnaissant dans le personnage de Claude Lantier.
Les personnages comme les tableaux évoqués dans le roman sont en réalité des figures composites, nées du croisement entre souvenirs personnels, observations documentées et imagination romanesque. Pour enrichir ses réminiscences, Zola sollicite Antoine Guillemet, qui lui fournit volontiers des notes sur les marchands et les collectionneurs d’art (lettre du 20 avril 1885). L’écrivain arpente également longuement les rues de Paris, attentif aux jeux d’ombre et de lumière, aux tonalités de la ville, autant d’éléments qui nourriront des descriptions picturales dans le roman. Par la force des mots, Zola cherche à rivaliser avec le pinceau des artistes rassemblés sous l’étiquette de l’école "de plein air", qui évoque sans détour le mouvement impressionniste.
L’Œuvre raconte l’histoire tragique de Claude Lantier, un peintre surdoué et impétueux, en quête de l’œuvre parfaite, celle qui captera la vie dans toute sa vérité. Ami de jeunesse de Pierre Sandoz (double littéraire de Zola), Claude appartient à un cercle de jeunes artistes parisiens engagés dans une peinture novatrice, souvent rejetée par le public et les institutions.
Marié à Christine, qui lui a donné un fils, Jacques, Claude s’enferme dans son obsession de peindre la vérité vivante, sans compromis. Sa quête de l’absolu devient destructrice : sa toile maîtresse, inachevée, incarne une perfection inatteignable. La mort de son fils et la dégradation progressive de sa relation avec Christine précipitent son isolement. Finalement, acculé, Claude se suicide dans son atelier, au pied de sa toile inachevée.
L’Œuvre est le 14ᵉ volume de la série des Rougon-Macquart, et met en scène Claude Lantier, fils de Gervaise Macquart (L’Assommoir) et frère d’Étienne Lantier (Germinal). Zola explore ici l’hérédité d’une forme de névrose créatrice. C’est un roman plus personnel que les autres de la série, parfois perçu comme un exutoire des doutes de Zola lui-même face à la littérature naturaliste. Zola y règle aussi des comptes avec son ami d’enfance Paul Cézanne, qui se reconnaîtra dans Claude et rompra définitivement avec l’auteur. Le personnage de Pierre Sandoz, quant à lui, est un autoportrait idéalisé de Zola, écrivain stable, organisé, et reconnu.
"[...] Il faudrait prendre chapitre par chapitre, page par page, pour relever toutes les beautés, toutes les trouvailles heureuses, de mots, d'idées, d'observations, de peintures justes, dont Émile Zola a empli ce roman, d'un jet si viril, d'une cohésion si étroite avec le mouvement en avant de la société, d'une si grande et si parlante vibration humaine. Nous nous contenterons d'en indiquer, pour ceux qui ignorent encore le romancier, l'endroit où il décrit, avec toutes les ressources de son talent, le travail de l'artiste, de l'écrivain qui ne vit plus qu'avec son œuvre, ne pense plus qu'à elle, galope toujours et partout par cette obsession du livre en gésine, oubliant tout ce qui ne s'y rapporte pas, n'ayant pas une seconde de calme, de repos, de satisfaction. C'est une maîtresse étude du cerveau en fusion à mettre auprès des plus beaux morceaux de littérature, d'observation et de pensée on n'a pas été plus loin dans l'analyse palpable de soi-même.
Dans l'étonnante série des Rougon-Macquart, ce roman tiendra une place spéciale, œuvre de vie et de force, œuvre d'amour et de vérité, qui émotionnera et donnera la note saisissante de toute une portion de la poussée nouvelle de l'Art à travers l'humanité contemporaine. [...]" (compte-rendu par Octave Uzanne, paru dans la revue Le Livre, Bibliographie moderne, livraison du 10 mai 1886 (pp. 227-228). L'avis d'Octave Uzanne sur les romans de Zola a beaucoup évolué entre les premières critiques du Livre de 1880 jusqu'aux dernières de 1889. Ici le ton est sans aucune ambiguïté totalement admiratif du fond et de la forme.
Bel exemplaire joliment relié vers 1930 dans le style Art Déco, ici sur papier ordinaire d'une qualité rarement rencontrée pour cet ouvrage.
Prix : 950 euros