Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]
Le Palais Royal. Première partie : Les Filles de l'allée des soupirs. Deuxième partie : Les Sunamites. Troisième partie : Les Converseuses.
A Paris, au Palais-Royal d'abord et puis partout, même chez Guillot, libraire, rue des Bernardins, 1790 [A. Christiaens, libraire, Bruxelles, Galerie Bortier, 4 et 6 - de l'imprimerie de A. Van Buggenhoudt, Place du Marché du Parc, 14 - sans date (1876)].
3 volumes justifiés in-12 réimposés grands in-8 (24,5 x 17 cm) de 229, 230 et 229 pages. Avec 3 planches doubles en frontispices (ici en 3 états, coloriées au pinceau, sanguine et noir), soit 9 planches.
Reliure demi maroquin rouge à larges coins, dos lisses ornés, tête dorée, filets dorés sur les plats et coins (reliures signées PETRUS RUBAN 1905). Très bel exemplaire. Deux petits arrachages de surface du papier sur le second plat du premier volume (peu visible). Légères marques peu visibles. Intérieur frais.
Nouvelle édition.
Tirage de grand luxe au format réimposé in-8 sur papier vélin (3 exemplaires seulement d'après Jules Gay et Rives-Childs).
Seuls les très rares exemplaires réimposés in-8 sur Hollande (3 ex.) et sur papier vélin (3 ex.) possèdent l'état colorié au pinceau.
Les planches sont imprimées sur papier de Hollande.
Jules Gay dans sa Bibliographies des ouvrages relatifs à l'amour, aux femmes, etc. (tome 3, pp. 609-610), indique les différents tirage de cette édition donnée par le libraire bruxellois Alexis Christiaens et imprimée dans la même ville par A. Van Buggenhoudt : 3 vol. in-12 sur papier vélin avec un seul état des planches (40 francs) ; in-12 sur Hollande (60 francs) ; 3 exemplaires in-8 sur hollande avec 3 états des gravures (200 francs) ; in-8 sur papier vélin avec 3 états des gravures (150 francs) qui est notre exemplaire ; papier vergé avec double suite des gravures (60 francs) ; papier vélin avec double suite des gravures (40 francs).
Les trois frontispices dépliants portent les titres suivants : Les trente-deux filles dans l'allée des Soupirs - La Colonnade - Le Cirque. Ces figures sont très jolies.
L'ouvrage fut composé et imprimé par Restif en 1789 (Monsieur Nicolas, Tome XI, p. 114 et 169). Il s'est mis lui-même en scène, sous le nom de M. Aquilin-des-Escopettes. Le libraire Guillot fut décapité le 27 août 1792 comme faux-assignataire (il fabriquait de faux assignats à Passy). (Rives Childs)
Du Palais-Royal, Restif disait : "Ce genre d'héroïnes n'était que légèrement historié passim dans les cinq suites [des Contemporaines] précédentes. Par celle-ci, en tois volumes, j'approfondis la matière, en dévoilant une multitude de choses que je tenais de mon ami le docteur Guillebert, et que je n'aurais jamais connues sans lui : les différentes manières de se divertir à Paris, avec les femmes, ou de les faire servir au plaisir des hommes [...] "Les différents détails de cette production singulière la rendent, pour les Français, ce que fut la Satire de Pétrone pour les Romains : les Sunamites, les Berceuses, les Ressemblantes, etc., sont autant de phénomènes moraux, réservés sans doute à notre siècle. Cette VIe Suite des Contemporaines ne pouvait entrer dans les premières, à cause des censeurs ; mais elle était nécessaire à leur intégrité." (Mes Ouvrages, p. 162)
Restif ajoutait, dans une notice qu'on trouve à la fin du tome VIII de l'Année des dames nationales : "Cet ouvrage [le Palais-Royal] présente le Tableau philosophique de l'ancienne corruption. Ce ne sont pas les histoires des filles en elles-mêmes, qui sont intéressantes. C'est la peinture des moeurs qu'elles amènent, et le mérite de cette peinture ne consiste que dans la vérité. Mais ce n'est pas tout : on trouve, dans ce nouveau Pétrone, des genres de prostitution raffinés ; différentes espèces, non de débauche, mais d'usage des femmes, inventées par des Matrulles sagaces, qui tirent un parti inconnu des charmes qu'un sexe offre à l'autre. C'est donc un livre très instructif et même philosophique, que le Palais-Royal, en trois volumes, que vend le citoyen Louis, libraire, rue Saint-Séverin."
« L'Avis qui précède le Palais-Royal commence ainsi : « Tandis que des journalistes mensongers répandent le venin et la terreur, tandis que des âmes atroces cherchent à détruire la confiance, et, par un air de tristesse, aggravent nos malheurs , ne serait-il pas à propos de montrer que la Nation a conservé le goût du plaisir, qu'elle n'est point accablée et qu'elle veut rire encore ? Nous donc, célibataires jadis célèbres, un peu singuliers, peut-être bizarres, avons entrepris de ramener la Nation à des idées plus douces, et, tout en attaquant des abus, de présenter quelquefois l'attrait du plaisir. Nous allons former une galerie de tableaux, gaiement tristes... » (Lacroix)
Rétif écrit en finissant son ouvrage : « La Révolution est opérée, citoyens ! Tous les abus vont disparaître, et l'égalité va ramener les bonnes-moeurs. Hé ! ne dites pas que le riche fait vivre le pauvre ! Il le corrompt plus sûrement qu'il ne le fait vivre ! Cependant nous observerons les moeurs, nous les guetterons, pour ainsi dire, et nous crierons sus au Vice, comme vos sentinelles-nationales crient sus aux ennemis du Peuple ! »
« Ce curieux et bizarre ouvrage a été composé sur le vif, comme on disait autrefois ; on peut dire que l'auteur a travaillé in anima vili, comme l'anatomiste sur le cadavre. » (Lacroix)
« On sait que le nouveau Palais-Royal, écrivait-il en 1796 (Monsieur Nicolas, p. 1789), est devenu le rendez-vous universel des motions, des affaires, des plaisirs, de la volupté, de la débauche, du jeu, de l'agiotage, de la vente d'argent, d'assignats, de mandats, et par conséquent le temple ou le prostituteur de l'observation. Ce célèbre bazar m'attirait donc par lui-même et par les agréments que je rencontrais sur la route. » L'auteur du Pornographe n'eut qu'à se souvenir, pour faire, ex professo, un traité sur les Filles du Palais-Royal. (Lacroix)
Fils de paysans de l'Yonne, devenu ouvrier typographe à Auxerre et Dijon, Nicolas Restif de La Bretonne s'installe à Paris en 1761 : c'est alors qu'il commence à écrire. Il a une vie personnelle compliquée et est sans doute indicateur de police. Polygraphe, il fait paraître de très nombreux ouvrages touchant à tous les genres, du roman érotique (L'Anti-Justine, ou les Délices de l'amour) au témoignage sur Paris et la Révolution (Les Nuits de Paris ou le Spectateur nocturne, 1788-1794, 8 volumes) en passant par la biographie avec La Vie de mon père (1779) où il brosse un tableau idyllique du monde paysan avant la Révolution avec la figure positive de son père. Il a également touché au théâtre sans grand succès. Cherchant constamment des ressources financières - il mourra d'ailleurs dans la misère -, il écrit aussi de nombreux textes pour réformer la marche du monde. Cependant l'œuvre majeure de Restif de la Bretonne est sa vaste autobiographie, Monsieur Nicolas, en huit volumes échelonnés entre 1794 et 1797. Ce livre fleuve se présente comme la reconstruction d'une existence et expose les tourments de l'auteur/narrateur comme à propos de la paternité - le titre complet est Monsieur Nicolas, ou le Cœur humain dévoilé -, mais témoigne aussi de son temps et constitue une source très abondante de renseignements sur la vie rurale et sur le monde des imprimeurs au XVIIIe siècle. C'est aussi un philosophe réformateur pénétré de rousseauisme qui publie des projets de réforme sur la prostitution, le théâtre, la situation des femmes, les mœurs, et un auteur dramatique.
Références : Rives-Childs, XXXVIII, n°5, pp. 313-315 (au n°4 donne la date de 1876 que nous n'avons réussi à trouver positivement indiquée nulle par dans les documentations consultées) ; Lacroix, pp. 338 et suiv. pour l'édition originale de 1790.
Bel exemplaire finement relié sur brochure par Petrus Ruban du très rare tirage sur papier vélin avec 3 états des estampes (3 exemplaires seulement sur ce papier).
Prix : 1 250 euros