samedi 28 juin 2025

Jean RIVIER | Ilarie VORONCA (préface) | Suzanne VICARINO (illustrations) Nous sommes au monde. Préface de Ilarie Voronca. Aquarelles de Suzanne Vicarino. Poèmes 1940-1945. Sans lieu, ni nom, ni date [1946] [la présentation, le pliage et le brochage sont faits par l'auteur]. 1 volume in-8 broché. Un des 12 exemplaires de tête numérotés I à XII (n°XI) sur vélin Bellegarde contenant chacun une aquarelle originale de Suzanne Vicarino et 12 photographies originales. Bel exemplaire. Très rare et superbe recueil de poésies intensément illustrées.



Jean RIVIER | Ilarie VORONCA (préface) | Suzanne VICARINO (illustrations)

Nous sommes au monde. Préface de Ilarie Voronca. Aquarelles de Suzanne Vicarino. Poèmes 1940-1945.

Sans lieu, ni nom, ni date [1946] [la présentation, le pliage et le brochage sont faits par l'auteur]

1 volume in-8 (19,2 x 14,5 cm) de 80 pages. Avec 12 illustrations photographiques en noir et blanc tirées des aquarelles originales de Suzanne Vicarino. Avec en frontispice une gouache originale (qui correspond à celle numérotée 10 dans le recueil). Bien complet du prospectus pour cette édition (avec mentions manuscrites de l'auteur).  Parfait exemplaire protégé sous papier cristal.

Edition originale.

Tirage unique à 200 exemplaires seulement.

Celui-ci, un des 12 exemplaires de tête numérotés I à XII (n°XI) sur vélin Bellegarde contenant chacun une aquarelle originale de Suzanne Vicarino et 12 photographies originales.

Les 12 volumes suivants contiennent uniquement les 12 photographies originales. Les 75 exemplaires suivants ne contiennent qu'une seule photographie originale. Il a été tiré en outre 100 exemplaires sur papier du moment et contenant une reproduction en fac-similé. Il n'y a pas de n°13.

Le petit prospectus nous donne le détail du prix des exemplaires. Un des 12 ex. de tête comme le nôtre était vendu 1000 francs (somme énorme pour l'époque), un des 87 ex. était vendu 220 francs, un des 100 ex. 30 francs.



Jean Rivier s'adresse ainsi à Ilarie Voronca de manière posthume : "Cher Voronca, je pensais avoir la joie de corriger avec toi les épreuves de cet humble recueil dont tu avais suivi la composition. Mais tu as quitté tes amis, tes nombreux amis pour entreprendre seul un difficile voyage et nous nous souvenons maintenant à la lumière de tes poèmes de ton cœur incomparable." Ilarie Voronca, né Eduard Marcus en 1903 à Brăila dans une famille juive, est un poète roumain devenu figure majeure de l’avant-garde avant de s’installer à Paris en 1933 avec son épouse Colomba pour fuir les tensions balkaniques ; d’abord influencé par le symbolisme puis Dada, il invente la pictopoésie et théorise l’intégralisme, publiant en Roumanie des recueils marquants comme Colomba ou Ulise avant de s’illustrer en France avec Permis de séjour (1935) et La Poésie commune (1936), qui affirme son engagement pour une poésie collective ; naturalisé français en 1938, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, il continue à écrire en prose et en vers jusqu’à son suicide en 1946 à Paris.




« Tout livre est une maison qui, sur les routes du monde, attend le voyageur exténué » écrit Voronca en tête de sa Préface (rédigée en mars 1944), « Une chaleur agréable y règne. Les fenêtres sont ouvertes vers des paysages enchanteurs. Dans la chambre du milieu est dressée une table magique où les plats et les coupes ne se vident jamais. Des hôtes innombrables peuvent s'y restaurer. On dirait même qu'au contraire de ce qui se passe aux autres repas, les victuailles de cette table se multiplient au fur et à mesure de leur consommation. [...] Me voici donc au seuil d'une telle maison. [...] ». Voronca poursuit : « Jean Rivier est venu à la poésie au moment où le surréalisme avait déjà fait briller tous les feux de ses vaisseaux. Dans une nuit fantastique les flûtes d'André Breton et d'Eluard avaient fait s'éveiller les plus suaves apparitions. Les secrets de l'âme et du rêve étaient dévoilés. Les mots faisaient l'amour et des chants désespérément beaux résonnaient dans l'espace. C'est bien dans la forge illuminée du Surréalisme que Jean Rivier a forgé ses outils. Mais avec ces outils aux vertus magiques, il allait tailler ses métaux propres, car c'est sa vie même qu'il entendait ciseler dans ses vers et avant que de l'écrire, il a voulu vivre sa poésie. [...] Son cœur est partagé entre l’amour du monde et l’amour d’une femme inoubliable. Pour exprimer son espoir il use d’un langage direct dont les images prennent leur sève aux choses vivantes de la nature. Un parfum de menthe sauvage plane autour de ses vers. Son lecteur devient vite son confident. N’importe lequel des sous-titres de ce recueil définit en quelque sorte la vision du monde de Jean Rivier. « Poèmes pour la Soif », « Du cœur aux lèvres », « Rafales ». Et comme le fruit même de cet arbre ensorceleur qu’est la femme constitue le triomphe de la vie sur la souffrance et sur la mort, la poésie de Rivier est un triomphe sur les ténèbres, sur le désespoir et sur la lassitude. « Nous sommes au monde » affirme Jean Rivier. Et il fait sien ce monde qui l’a engendré, comme, issu de la femme, l’homme prend possession d’une femme qui n’est que l’image de celle dont il est né. L’amour et la vie, les combats de l’homme avec ses fantômes et ses semblables sont les fleuves qui enrichissent l’océan de cette poésie. Mais, sans se livrer à l’intempérance verbale comme le font certains faux prophètes qui s’enivrent de mots et de mythes ayant perdu tout sens pour l’univers actuel, Jean Rivier tient à ce que ses poèmes disent quelque chose et que ce quelque chose soit compris de tous. Je ne suis pas d’accord avec Lautréamont qui disait que la poésie doit être faite par tous. Je dirais plutôt que la poésie doit être lue par tous. [...] »








Jean Rivier (1915-2017), né à Tunis et devenu figure majeure de la céramique française des années 50 à Vallauris, commence sa carrière comme horloger-bijoutier tout en écrivant des poèmes. Durant la guerre, il continue d’écrire et s’initie dès les années 1940 à la gravure sur bois, développant une pratique qui nourrit son goût pour l’abstraction graphique et qui l’accompagne toute sa vie, notamment dans ses recherches sur les signes et l’écriture stylisée. Après la Libération, il publie également des textes aux Cahiers du Sud. Installé à Vallauris en 1952, il y retrouve Juliette Derel, qu’il épouse en 1953 ; leur production commune, marquée par un décor abstrait et géométrique, connaît un grand succès international. Après leur divorce en 1959, Rivier collabore avec Marie-Claude Rigaud (Claudie), développant un style inspiré de l’art pariétal et de schémas électriques, et participe activement à la vie artistique locale en cofondant l’Union des Arts Plastiques. Après avoir quitté Vallauris pour Tours en 1968, il fonde « l’Atelier 150 », enseigne la céramique aux Beaux-Arts de Tours, et se consacre aussi à la gravure sur bois et à la linogravure, exposant régulièrement ses œuvres graphiques. En 1976, il réalise un livre d’artiste rare, Haute-Provence, publié à très petit nombre, où il conjugue les textes poétiques de Luc Decaunes et ses propres gravures originales sur bois inspirées des paysages et lumières de cette région, véritable manifeste de son art alliant écriture, graphisme et nature. Dans les années 80, il poursuit son activité littéraire et artistique, et publie en 2007 Vallauris, le temps des copains, mêlant souvenirs et textes. Il épouse en 1983 Michelle Pomiés et poursuit sa création jusqu’à sa mort à 101 ans, laissant une œuvre riche et stylisée où céramique, gravure et poésie traduisent un même esprit d’abstraction et de liberté, emblématique de l’âge d’or des Trente Glorieuses.

On ne sait rien de l'illustratrice de ce livre, Suzanne Vicarino, qui semble n'avoir pas illustré d'autres ouvrages. On lui connait une paire de belles aquarelles intitulées La favorite du Sultan et Présents à la favorite du Harem (signées et datées 1922 et 1921) soit plus de 20 ans avant l'illustration des Poèmes de Jean Rivier.







Bel exemplaire tel que publié du très rare tirage de tête avec gouache originale et suite des photographies.

Prix : 1.350 euros