jeudi 19 juin 2025

Les Oeuvres de Monsieur de Montreuil. A Paris, chez Claude Barbin, 1666. 1 fort volume in-12. Edition originale. Lettres et poésies diverses. Reliure plein veau brun. Très frais. Bel exemplaire en condition d'époque. De la bibliothèque de Bernard de Noblet (1667-1754) avec ex libris armoirié.


MONTREUIL (Mathieu de)

Les Oeuvres de Monsieur de Montreuil.

A Paris, chez Claude Barbin, 1666

1 fort volume in-12 (153 x 95 mm | Hauteur des marges : 147 mm) de (14)-629-(1) pages, avec un portrait de l'auteur en frontispice.

Reliure strictement de l'époque plein veau brun, dos à nerds orné aux petits fers dorés, tranches mouchetées de rouge. Usures à l'extrémité des coiffes. Reliure et intérieur très frais. Papier bien blanc. Très beau tirage du portrait d'après Picart et daté de 1665.



Edition originale.

Il est intéressant de noter que ce volume a été publié la même année (et au même moment) et chez le même libraire que les Oeuvres de Molière (édition en 2 volumes in-12 parmi les plus prisées aujourd'hui, fameuse première édition collective imprimée du vivant de Molière). Les Oeuvres de Mathieu de Montreuil ont été achevées d'imprimer le 1er avril 1666 en vertu d'un privilège royal accordé au libraire Claude Barbin le 6 mars 1666. Le privilège a été partagé par Barbin avec les libraires Thomas Jolly, Louys Billaine, Charles de Sercy et Guillaume de Luyne. Pour cette édition de 1666 des Oeuvres de Molière, Gabriel Quinet reçut un privilège le 6 mars (même jour que pour Montreuil) de cette même année, qu’il partagea avec sept autres libraires, dont Charles de Sercy et Louis Billaine. On voit donc que pour le public, les Oeuvres de Montreuil connurent, au jour près, le même processus éditorial que la première édition collective des Oeuvres de Molière. Mais quand le temps décide des succès ... Molière est devenu notre grand auteur du théâtre national français quand Mathieu de Montreuil est tombé dans l'oubli.

Les Oeuvres de Mathieu de Montreuil contiennent en première partie des lettres adressées à divers correspondant(e)s dont la marquise de Sévigné. A la suite se trouvent des poésies diverses (Stances, Madrigaux, Epigrammes, Sonnets, etc).



Octave Uzanne tenta de tirer de l'oubli complet ce petit poète galant des Ruelles en republiant à petit nombre ses Poésies en 1878 (Paris, Librairie des Bibliophiles, Jouaust). Octave Uzanne écrit : "Le commerce des femmes est, dit-on, la meilleure école de la politesse et des belles manières. Les quelques écrivains qui se sont façonnés dans ce milieu délicat et charmant en ont conservé, pour la plupart, un charme expressif, qui semble avoir en même temps poli, arrondi et amenuisé leur style, tout en donnant à leur langage une forme plus relevée, un sens plus subtil, une tournure plus exquise, des grâces plus vives et plus soudaines. Nous trouvons à intervalles assez rapprochés, dans notre histoire littéraire, des exemples à l’appui, le plus souvent chez certains tempéraments de poètes doués d’une pléthore amoureuse — d’une sorte d’inquiétude d’amour dont ils paraissent étouffer. Sensuels, voluptueux, coquets à l’extrême, ces mourants raffinés ne chantent que pour leurs maîtresses; ils se pâment à l’envi aux pieds de leurs divines, de leurs cruelles ou adorables amantes, et l’on perçoit que dans cette sensibilité agissante, assez constants pour ne pas être fidèles, toutes les femmes peuvent acquérir du crédit sur leur cœur. La galanterie, qui est fille du désir de plaire, épand dans leurs œuvres mignardes une tendresse, une ardeur, une passion languissante et rythmique qui captivent et bercent mollement le lecteur: aussi peut-on dire qu’ils sont les plus gracieux modèles de notre poésie française, dans le sens littéral du mot, lorsqu’ils ne tombent pas dans l’affectation en courant après l’esprit, ou dans l’afféterie en recherchant les subtilités et les finesses. Mathieu de Montreuil fut, au XVIIe siècle, le parangon de ces aimables soupirants d’office, de ces galants fieffés, comme on disait alors; ses petites poésies légères et émues ne sont tissées que des bagatelles du cœur. On y trouve quelquefois du fade, de l’extravagant et du faux brillant; mais il y meurt si uniquement, il s’y laisse voir sous des dehors si séduisants; ses airs, ses façons, ses pensées et ses pointes ont une allure si tendre et si personnelle; il sait si bien mitonner les plaisirs dans ses moindres badinages, et si éloquemment luxurioser sa flamme, qu’on ne saurait lui opposer un rival dans cet art inné du madrigal, dont nous nous plaisons à le désigner comme maître. [...] Montreuil fut donc abbé, mais abbé à la manière de Marigny, de Ménage et de tant d’autres écrivains. Il s’engagea, mais sans se lier, dans les ordres sacrés; il en porta l’habit et en toucha les bénéfices, rien de plus. Il fut abbé, pour tout dire, mais ne fut pas prêtre. C’était un charmant abbé du reste: mondain, dameret, galant, coquet et épicurien; inconstant par nature, amoureux par tempérament et madrigalier par amour. Il changeait de séjour comme de maîtresse, et s’attardait aussi peu dans une ville que dans un cœur. C’était un homme-colifichet, comme on eût dit au siècle dernier; mais en même temps il avait une allure de mousquetaire empanaché, brave et hardi, portant crânement son épée — car il était abbé d’épée — et courant les aventures comme un Aramis. Son histoire est toute d’amour, comme celle d’une femme: c’est l’histoire d’un papillon papillonnant et bel esprit, qui ne meurt que pour renaître, mais qui meurt amoureusement, languissamment, avec mièvrerie, les yeux noyés de voluptés et voilés de désirs. Aimer et madrigaliser, voilà son unique préoccupation, sa seule ambition. La politique et les cabales le laissent froid et souriant. Sous la Fronde, il aime: c’est toute sa profession de foi; il n’est ni pour le Roi des Halles, ni pour le Coadjuteur, ni pour Mazarin; il est contre les maris et pour leurs femmes. Que lui importe la guerre civile, à ce sublime égoïste ? [...] Montreuil est quelquefois peu correct en son style; il est souvent négligé et d’une assez grande hardiesse d’expressions; il dira que « son âme est dédupée des charmes amoureux »; mais en dépit de ces défauts, il sait rester toujours folâtre, aimable et plaisant. On a essayé d’insinuer qu’il imitait Voiture dans ses lettres: il n’en est rien. Nodier, à ce sujet, s’écrie quelque part: « Montreuil a souvent l’élégance de Voiture, mais avec beaucoup moins d’affectations et de manières; la nuance qui les sépare est délicate, mais elle est sensible et vraie: Montreuil, c’est Voiture naïf; il paraît trouver tout naturellement ce que l’autre prend peine à chercher. On croirait que Voiture court après l’esprit et l’esprit après Montreuil. [...] Notre sceptique abbé se tint parole: il fut toujours paresseux et sensuel. Les affaires de son cœur lui furent toujours plus chères que celles de son esprit, et il avoua avoir toute sa vie mieux écrit pour une femme qu’il aimait que pour un homme qu’il eût pu estimer. « La gloire ne me touche pas, écrit-il encore à son ami Ménage; j’aime mieux le repos, quoiqu’il soit obscur et qu’elle soit brillante. Le repos pourtant, c’est mal parler, car je ne suis pas oisif: je veux dire le plaisir. Je ne sçay d’où cela vient, je l’ay toujours aimé, et je ne voy pas d’apparence que je puisse me résoudre à le jamais haïr. Ce n’est pas qu’il ne m’ait joué de fort mauvais tours: il m’a fait rompre dix fois avec ma fortune; mais je luy pardonne: il m’a fait renouer cent fois avec ma maistresse, que j’aime beaucoup mieux qu’elle.» [...] Montreuil, à Paris, se lia avec la meilleure société. Il ne fit que passer à l’hôtel Rambouillet, mais assez gracieusement pour devenir l’ami de la marquise de Sévigné. [...] « L’an 1691, et le vingt et unième du mois d’aoust, a été enseveli dans cette église Saint-Sauveur M. Mathieu de Montreuil, mort le même jour, âgé d’environ quatre-vingts ans, natif de la ville de Paris. Présents, etc. » »" (Préface)








Si Octave Uzanne ne s'est intéressé qu'aux poésies de Montreuil, ses lettres sont aujourd'hui un témoignage précieux pour l'histoire galante et littéraire du Grand Siècle.

Provenance : de la bibliothèque de Bernard de Noblet qui s'est marié une première fois en 1695 puis en secondes noces en 1718. Bernard de Noblet, Marquis de Noblet d'Anglure, Comte de la Clayte &c. ancien Capitaine de Cavalerie dans le Régiment de Montgommeri, a été pourvu de l'Office de Lieutenant des Maréchaux de France au Bailliage de Mâcon par Lettres du 5 Juin 1701 (notre ex libris date de 1701 ou peu après donc). Héraldique : D‘azur au sautoir d'or. Supports : deux licornes regardantes, couronne comtale. Il meurt en 1754 à l'âge de 87 ans en son château de La Clayette en Saône-et-Loire (Brionnais), province de Bourgogne (il était né vers 1667). Voir : La famille de Noblet d'Anglure, de La Clayette, de Chénelette, etc., d'après l'Armorial général de la France (d'Hozier, 1742) ; La famille de Noblet, d'après l'Armorial historique de Bresse et Bugey (E. Révérend du Mesnil, 1872) ; La généalogie de la famille de Noblet, les branches de La Clayette et d'Anglure d'après le Grand Armorial de France.











Bel exemplaire en reliure de l'époque.

Prix : 950 euros