Edme BOURSAULT
Esope à la cour, comédie héroïque. Par feu M. Boursault.
A Paris, chez François Le Breton, 1706 [de l'imprimerie de Gilles Paulus du Mesnil, 1702]
(18)-97 pages
Relié à la suite :
Edme BOURSAULT
Les Fables d'Esope, comédie, troisième édition.
A Paris, en la boutique de Théodore Girard, chez Nicolas Gosselin, 1700
(20)-101 pages.
2 ouvrages reliés en 1 volume in-12 (161 x 100 mm | Hauteur des marges : 159 mm) plein veau blond de l'époque, dos à nerfs orné aux petits fers dorés, triple filet doré en encadrement des plats, armes au centre des plats, roulette dorée en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier peigne, tranches rouges. Faibles rousseurs éparses et quelques taches rousses. Quelques légères marques et taches à la reliure qui reste très belle et très fraîche. Reliure attribuable à Luc-Antoine Boyet, principal relieur du Comte d'Hoym et pour laquelle on reconnait la roulette en encadrement intérieur des plats et les fers pointillés dorés au dos.
Précieux exemplaire relié aux armes du Comte d'Hoym.
Malgré la page de titre portant la date de 1706, le premier ouvrage a été achevé d'imprimer le 31 janvier 1702 (première édition). Il sort des presses de Gilles Paulus du Mesnil. Il existe une autre édition à la date de 1702 mais sans privilège et en 96 pages et sans mention du nom de l'imprimeur à la fin.
On cite deux tirages portant la date de 1702, celui portant l'adresse de Damien Beugnié et l'autre celle de Clément Gasse. Par ailleurs il est intéressant de noter que le privilège indique que c'est à la demande de la veuve d'Edme Boursault, Michelle Milley, que cette édition a été faite. Elle cède son droit au privilège à Clément Gasse et Damien Beugnié, libraires à Paris. La remise en vente des exemplaires de 1702 par le libraire François Le Breton est peu documentée et indique, de toute évidence, que tous les exemplaires, imprimés à la fin du mois de janvier 1702, n'avaient pas été vendus. Il est également intéressant de noter qu'il y a à la suite de l'Avis au lecteur un assez long errata qui indique que l'édition a du être faite dans une certaine précipitation.
Le volume s'ouvre sur une Epître à Madame de Villequier par Madame Milley veuve Boursault. Ésope à la cour est dédiée à Madame de Villequier, Françoise Angélique de la Mothe-Houdancourt, née en 1650 et épouse de Louis-Marie-Victor d’Aumont, duc d’Aumont et marquis de Villequier. Ce dernier, fervent serviteur de Louis XIV, s’illustra notamment lors de la campagne de Flandre. La sœur de Madame de Villequier, Charlotte-Éléonore de la Mothe-Houdancourt, occupa pour sa part la fonction prestigieuse de gouvernante du jeune Louis XV. Les relations entre Boursault et la marquise apparaissent manifestes : Louis XIV avait envisagé de confier à Boursault la fonction de sous-précepteur du Dauphin, à une époque où la sœur de Madame de Villequier veillait à l’éducation du futur roi. Par ailleurs, c’est grâce à l’intervention du duc d’Aumont que l’auteur parvint à éviter la censure d’une de ses pièces en 1690.
Edme Boursault (1638–1701), poète dramatique bourguignon, connut une certaine notoriété au XVIIe siècle grâce à ses comédies spirituelles, notamment Le Mercure galant, représenté avec succès à Paris. D'abord auteur provincial autodidacte, il devint un homme de lettres apprécié pour son esprit franc et sa vivacité. S'il s'attira l'animosité de Molière et de Boileau, il fit preuve de grandeur d’âme, allant jusqu’à secourir ce dernier malgré leurs querelles passées. Plus à l’aise dans la comédie que dans la tragédie (Marie Stuart, Germanicus), il excella dans les dialogues vifs, les satires (La Satire des Satires) et les pièces à tiroirs. Sa comédie Esope à la cour, suite d’Esope à la ville, fut jouée après sa mort, non sans qu’on en retranche des vers jugés irrévérencieux envers Louis XIV. Dans cette œuvre vive et morale, Boursault peint un Ésope amoureux, aux prises avec les ridicules du monde. Refusant d’entrer à l’Académie par modestie, il laissa aussi des lettres et romans galants comme Les Lettres à Babet ou Artémise et Poliante. Son théâtre complet fut publié en 3 volumes en 1725 et 1746.
Esope à la cour fut représentée pour la première fois après sa mort, en 1701.
« Esope à la cour, en cinq actes, fut représentée après la mort de Boursault, en 1701 (représentée pour la première fois le 16 décembre 1701 au Théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain - Boursault étant mort le 15 septembre). Boursault l’avait écrite aussitôt après ‘Esope à la ville’, mais son sujet la fit interdire par la censure. Quand finalement l’autorisation de la faire représenter fut accordée, l’auteur était mort. Dans cette comédie, Esope a réussi à se faire admettre à la Cour, et naturellement, il trouve matière à exercer son ironie et sa sagesse à l’égard des innombrables côtés ridicules et des vices des courtisans. Montesquieu a déclaré qu’après avoir assisté à la représentation d’Esope à la Cour, il éprouvait le besoin de devenir un homme de bien. » (in Dictionnaire des Œuvres, II, 684).
« Cette œuvre, d’une haute portée, ne fut représentée que le 16 décembre 1701, après la mort de l’auteur, ce qui empêcha celui-ci d’y mettre la dernière main [...] » (V. Fournel, Les contemporains de Molière, p.95).
Localisation des exemplaires : un exemplaire semblable au nôtre mais portant l'adresse de Clément Gasse et la date de 1702 est présent à la Bibliothèque nationale de France (département Littérature et art, cote Yf-8432).
Le second ouvrage : Les Fables d'Esope, comédie, publiée ici en 1700, est également une pièce de théâtre de Boursault qui signe l'Epître au Duc d'Aumont. Elle porte sur le titre la mention de troisième édition. On trouve à la suite une assez longue Préface qui justifie la pièce et son succès. Il est imprimé à la fin de la préface : le prix est de quinze sols relié en parchemin. De ce livre on connait même un quatrième édition qui date de 1724 et qui a été donnée par le libraire Nicolas Le Breton. La première édition a été achevée le 18 mars 1690 (A Paris, chez Théodore Girard).
"[...] En 1690, après quelques jours d’hésitations, la pièce avait connu un succès foudroyant. Ces hésitations, comme d’ailleurs son succès, dérivent de l’emploi innovateur de fables poétiques insérées dans le texte de la comédie. Boursault avait osé se mesurer avec La Fontaine et avec ses successeurs tels que Furetière et Mme de Villedieu. Mais il visa en outre à créer, au moyen de ces fables, un type de comédie plus nettement moralisateur que la comédie moliéresque. Finalement, comme le souligne M. Allott dans son introduction, le dramaturge renouvelle l’image d’Ésope. En partie ce renouvellement s’opère par des anachronismes voulus : le fabuliste ancien boit du café sur scène ! Plus sérieusement, Boursault rejette l’Ésope ridicule évoqué dans la fameuse biographie de Planude (traduite par La Fontaine, entre autres) ainsi que l’Ésope galant qui fit son apparition dans le Grand Cyrus de Mlle de Scudéry. Nous sommes maintenant en présence d’un philosophe presque voltairien qui regarde d’un œil désabusé les folies de la société contemporaine. Cette édition intéressera en même temps les historiens du théâtre et tous ceux qui veulent apprécier les fortunes littéraires de la fable ésopique." (E. Boursault, Les Fables d’Ésope, comédie (1690). Édition critique par Terence Allott, textes littéraires (LXVII), Exeter, G. B., 1988 [compte rendu]).
Provenance : exemplaire de la prestigieuse bibliothèque du Comte d'Hoym (1694-1736), ambassadeur de Saxe-Pologne en France et célèbre bibliophile, relié à ses armes (OHR, 672) et ayant été vendu lors de la vente de sa bibliothèque en 1738 (n°2286). "Le comte d’Hoym fit travailler les plus grands relieurs de son temps (Padeloup, Boyet, etc...) pour créer une bibliothèque exemplaire. Poursuivi pour malversations financières, Hoym se suicida." (Pierre Berès, 1ère vente, 2005) ; de la bibliothèque de St Geniès avec ex libris ; de la bibliothèque P. Gransdire avec ex libris.
Bel exemplaire très bien conservé dans sa reliure commanditée par le Comte d'Hoym, l'un des plus grands bibliophiles de la première moitié du XVIIIe siècle.
Prix : 3 500 euros