mardi 17 juin 2025

PAUTHIER (Guillaume) | SÂVITRÎ, épisode du Mahabharata, grande épopée indienne ; traduit du sanskrit par M. G. Pauthier. Paris, L. Curmer, 1841. 1 volume in-8 relié plein chagrin vert décoré (reliure de l'époque). Superbe exemplaire.


PAUTHIER (Guillaume)

SÂVITRÎ, épisode du Mahabharata, grande épopée indienne ; traduit du sanskrit par M. G. Pauthier.

Paris, L. Curmer, 1841

1 volume in-8 (20 x 13 cm) de (4)-XII-53-(3) pages. Avec 1 frontispice gravé sur acier, 9  vignettes gravées sur bois dans le texte et 1 faux-titre sur acier intercalé entre les pages 24 et 25. Papier vélin satiné. Rousseurs.

Reliure strictement de l'époque plein chabrin vert, dos à nerfs orné doré, plats décorés d'un encadrement doré rocaille avec encadrement de filets à froid, filet doré sur les coupes, roulette dorée en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier marbré, tranches dorées (reliure non signée). Excellent état de conservation de la reliure qui est très fraîche.

Edition originale.


Ce texte a été publié par Léon Curmer pour être publié dans le volume intitulé La Pléiade et qui contient différents textes de différents auteur. Ces textes étaient regroupés en pagination séparée ce qui permettait de les commercialiser séparément.

Notre exemplaire a été luxueusement relié à l'époque.








La légende qui suit forme un des nombreux épisodes du grand poème épique sanskrit intitulé Mahâbhârata, épopée colossale qui renferme plus de deux cent mille vers, et dont l’antiquité doit approximativement remonter à l’âge des épopées homériques. L’auteur présumé de ce poème, ou celui auquel les Indiens l’attribuent, est Vyasa, dont le nom sanskrit signifie « compilateur », et auquel ils attribuent aussi la composition, ou plutôt la rédaction des Pourânas, et même des Védas, les anciennes Écritures indiennes ; ce qui l’a fait surnommer Vêda-Vyasa. Ce grand poète des temps antéhistoriques de l’Inde (l’histoire un peu suivie de l’Inde ne commence guère qu’à l’époque de la domination musulmane ; tous les temps qui l’ont précédée sont encore enveloppés d’épaisses ténèbres, à l’exception de quelques points lumineux que l’érudition moderne a déjà dévoilés à nos regards) ; ce grand poète, dis-je, en considérant les immenses compositions qu’on lui attribue, ne peut être qu’une ancienne personnification du génie poétique indien qui a exploré dans tous les sens les plus vastes domaines de l’imagination et de la pensée humaine, à tel point que l’on est porté à se demander si ces monuments gigantesques de la langue sanskrite, qui nous apparaissent maintenant, ne sont pas les produits d’une civilisation qui a disparu de la surface de la terre, comme ces races d’animaux également gigantesques dont on a aussi récemment découvert les débris. Quoi qu’il en soit de ces impressions — que ce n’est pas ici le lieu de discuter — la grande épopée indienne d’où l’épisode de Sâvitri est tiré offre le tableau le plus complet, le plus vaste, le plus merveilleux des mœurs d’une nation et d’une époque les plus merveilleuses du monde. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère, l’Énéide de Virgile, sont encore considérées de nos jours comme des chefs-d’œuvre qu’il n’a pas été donné aux génies poétiques de tous les âges et de toutes les nations de surpasser, ni même d’égaler ; mais ces compositions, tout admirables qu’elles soient, pâlissent devant les grandes épopées indiennes, comme le Pinde et les Sept Collines devant l’Himâlaya. Il faut que la nature au sein de laquelle vit l’homme, que les phénomènes qui frappent journellement ses regards, que son éducation et ses croyances, aient une bien grande influence sur la pensée et le génie de l’homme pour mettre une si grande différence dans ses œuvres les plus sublimes. Les productions de la nature, comme celles de l’homme, seraient-elles soumises aux mêmes lois dans les mêmes limites du temps et de l’espace ? Le sujet principal du Mahâbhârata est une guerre civile entre les Kauravas, ou fils de Kourou, et les Pândavas, ou fils de Pandou, deux branches collatérales de la race lunaire, pour la possession du trône de l’Inde. Ce poème est divisé en dix-huit Livres ou Sections principales d’une longueur très inégale, qui sont subdivisées en un certain nombre de Lectures, lesquelles se subdivisent encore en Chapitres et en Épisodes, comme celui de Sâvitri. Le merveilleux — mais le merveilleux de la vaste mythologie indienne — joue un grand rôle dans le poème ; l’intervention des dieux en faveur de certains héros, de certains personnages, y est très fréquente. Dans l’Introduction, qui ne ressemble à rien de ce que nous connaissons des épopées européennes, le Dieu Brahmâ, s’adressant à l’auteur du poème, s’exprime ainsi : « Dans le corps entier des anachorètes les plus célèbres par leurs austérités et la sainteté de leur vie, je te considère comme le plus distingué pour la connaissance des divins mystères. J’ai connu la composition métrique dans laquelle, en parlant toujours le langage de la vérité, tu as révélé le divin monde depuis sa première manifestation. Tu as appelé cette composition métrique : composition inspirée, poème (kâvyam) ; c’est pour cela qu’elle sera et restera une composition inspirée, un poème. Il n’a été donné à aucun poète d’égaler les descriptions variées, et les peintures de mœurs domestiques dont il est rempli. » En effet, nul poème ancien ou moderne, nulle conception humaine ne peut être comparée, pour la variété et l’étendue, à la grande épopée indienne. La fameuse guerre de Troie est bien chétive en comparaison des grandes guerres des Bharatides, et l’Olympe grec, tout brillant qu’il est dans Homère, ne peut également se comparer à la cour céleste des dieux indiens nommés Lokapâlas ou gardiens des mondes. Dans l’épopée de Vyasa, tout est conçu dans des proportions si gigantesques pour nous, que notre esprit en est souvent confondu d’étonnement et de surprise. Parmi les nombreux épisodes du poème, d’une nature extrêmement variée, et dont les uns, comme celui de Nala et Damayanti, offrent une curieuse peinture des mœurs indiennes ; dont d’autres, comme l’enlèvement de Draupadî, nous représentent une femme héroïque, bien autrement grande qu’Hélène, restant fidèle aux cinq frères dont elle est l’unique épouse ; dont d’autres enfin, comme la Bhâgavad-Gîtâ, ou le Chant divin, nous révèlent tout ce que la pensée humaine a jamais conçu de plus grand, de plus solennel et de plus sublime ; parmi les nombreux épisodes de ce poème, dis-je, celui de Sâvitri brille comme une étoile chaste et pure dans un ciel orageux, comme un diamant sans tache dans une riche parure. Sâvitri est le plus beau modèle qui ait jamais été présenté du dévouement conjugal. Cette conception n’a aucun analogue dans les épopées les plus célèbres, et le peuple auquel elle appartient, ainsi que l’époque à laquelle elle remonte, la rendent encore plus frappante. Il est vrai que, dans l’Inde, le dévouement de l’épouse pour son mari, qu’elle appelle toujours son seigneur (pati), son nourricier, son soutien (bhartri), est porté, dès les temps les plus reculés, à sa plus haute expression — on pourrait presque dire jusqu’à la barbarie — par le sacrifice volontaire de la veuve sur un bûcher après la mort de son époux, auquel elle ne veut pas survivre. Mais ce dévouement n’est pas réciproque. Nous devons même dire que dans la légende de Sâvitri, ce type si admirable et si pur du dévouement et de l’amour conjugal, le caractère de Satyavân ne répond pas à celui de la jeune femme ; c’est l’amour filial qui domine dans le jeune homme comme d’ailleurs il domine dans les mœurs de toutes les grandes nations orientales anciennes et modernes. Le texte sanskrit de l’épisode de Sâvitrî, publié pour la première fois par M. Bopp, se trouve dans le troisième Livre du Mahâbhârata, page 801 et suivantes, édition de Calcutta. Le texte de cette dernière édition, faite par des pandits de l’Inde, diffère peu de celui donné par M. Bopp, que nous avons suivi de préférence. Nous nous sommes attaché à le rendre en français avec la plus scrupuleuse exactitude, sans nous permettre d’y ajouter ni d’en retrancher la moindre idée, ni même une nuance d’idée, afin que la légende indienne apparaisse au lecteur avec toute sa naïveté et sa simplicité primitives. Les dessins mêmes qui l’accompagnent, ainsi que l’encadrement, ont été copiés fidèlement sur ceux du Bhâgavata-Pourâna, conservé à la Bibliothèque royale de Paris, lequel est un chef-d’œuvre de calligraphie et de miniature indiennes. Dans tous les ornements qui accompagnent cette traduction, l’artiste s’est inspiré de l’art indien, afin que le lecteur européen pût trouver réunies, dans ce court épisode d’une grande épopée, quelques traces de l’art et de la poésie de l’une des plus anciennes, des plus merveilleuses et des plus poétiques nations de l’Orient ! (introduction)







Guillaume Pauthier (1801-1873) était un orientaliste réputé. Il a publié de nombreuses études et écrits sur l’Orient (la Chine, l'Inde, ...), sur les îles Ioniennes, et effectué de très nombreuses traductions dont Marco Polo et Confucius. Il a également traduit Essai sur la philosophie des Hindous de Henry Thomas Colebrooke.

Il est très rare de trouver ce texte aussi joliment relié à l'époque de manière séparée.

Superbe exemplaire.

Prix : 950 euros