lundi 30 juin 2025

[Foucher d'Obsonville] [Maridas Pillai ou Poullé] Bagavadam ou Doctrine divine, ouvrage indien, canonique : sur l'Etre Suprême, les Dieux, les Géants, les Hommes, les diverses parties de l'Univers, etc. A Paris, chez la Veuve Tilliard et fils, Clousier, imprimeur du roi, 1788. 1 volume in-8 relié au XIXe siècle. Edition originale. Bon exemplaire de cet ouvrage peu commun.


[Foucher d'Obsonville] [Maridas Pillai ou Poullé]


Bagavadam ou Doctrine divine, ouvrage indien, canonique : sur l'Etre Suprême, les Dieux, les Géants, les Hommes, les diverses parties de l'Univers, etc.

A Paris, chez la Veuve Tilliard et fils, Clousier, imprimeur du roi, 1788

1 volume in-8 (20,5 x 13,5 cm environ) de LXIV-348-(2). Bien complet de l'Appendice et de l'Avertissement du libraire.

Reliure demi basane maroquinée aubergine (exécutée vers 1870-1880). Quelques frottements à la reliure (peu visibles) et intérieur en bon état (quelques rousseurs peu présentes et une petite mouillure saine et claire dans la marge haute.



Edition originale.

Bagavadam, ou Doctrine divine : sous ce titre évocateur et ambitieux, Foucher d’Obsonville livre au lecteur européen du XVIIIe siècle une traduction pionnière d’un texte fondamental de la tradition hindoue, inspiré du Bhāgavata Purāṇa. Publié à l’aube du tournant orientaliste des Lumières, cet ouvrage s’inscrit dans un moment où l’Europe, avide de savoirs nouveaux, découvre avec fascination les cultures de l’Asie. Dans le sillage des premiers missionnaires, voyageurs et administrateurs coloniaux, une génération d’érudits commence à s’intéresser non seulement aux langues orientales, mais aussi aux textes religieux et philosophiques qui fondent les civilisations de l’Inde. Foucher d’Obsonville, officier au service de la Compagnie française des Indes orientales, incarne cette curiosité éclairée. Formé à la pensée classique, mais ouvert à l’altérité, il s’attache à comprendre les doctrines de l’Inde avec une volonté sincère d’exactitude et de respect. Son Bagavadam, publié en 1788, bien que largement incomplet et erroné en plusieurs endroits, se situe dans la lignée des grandes entreprises orientalistes, comme celles de Friedrich Schlegel, Anquetil-Duperron ou encore la Bhagavad-Gîtâ traduite par Charles Wilkins. Il figure ainsi parmi les toutes premières tentatives françaises de rendre accessible, dans une langue élégante et raisonnée, la richesse symbolique et métaphysique des textes sanskrits. Loin d’être une simple curiosité exotique, cette œuvre témoigne d’un désir profond de comparaison des systèmes de pensée, typique des Lumières tardives, où le dialogue entre les traditions religieuses sert une quête universelle de vérité. Dans un siècle encore marqué par l’eurocentrisme, mais ébranlé par les premières fissures critiques de la pensée coloniale, le Bagavadam se distingue par son ambition intellectuelle : faire connaître à l’Occident une théologie du multiple, une cosmogonie cyclique, une sagesse où l’homme, les dieux et l’univers s’inscrivent dans une interdépendance harmonieuse. Par là même, l’œuvre annonce les grandes synthèses spirituelles du romantisme et de l’orientalisme du XIXe siècle, tout en conservant la rigueur d’un travail philologique de premier plan.

Selon Barbier (I, 377), cet ouvrage a été traduit du sanskrit d'après une version tamoule, et mis en français par un Malabare chrétien, nommé Maridas Poullé (1721-1796). Il n'est pas cité par Foucher d'Obsonville qui semble n'avoir été que l'éditeur.









Le Bhāgavata Purāṇa, ou Śrīmad Bhāgavatam, est l’un des textes sacrés les plus vénérés de l’hindouisme, véritable somme théologique et mythologique en douze livres célébrant la figure divine de Krishna comme manifestation suprême de l’Absolu. Structuré autour du dialogue entre le roi Parīkṣit, condamné à mourir en sept jours, et le sage Śuka, l’ouvrage expose une vision cyclique de l’univers, narre la création des mondes, les avatars de Vishnou, et notamment la vie de Krishna, à la fois espiègle enfant divin, séducteur céleste et guide spirituel. Par son lyrisme, sa richesse narrative et sa profondeur philosophique, le Bhāgavata Purāṇa constitue un pilier de la tradition bhakti (dévotion) et une invitation à la contemplation, à la piété et à la libération intérieure. Ce texte fondamental, transmis et commenté au fil des siècles, demeure une source inépuisable pour qui souhaite comprendre le cœur spirituel de l’Inde. Il faudra attendre les travaux érudits d’Eugène Burnouf au XIXe siècle pour qu’enfin s’esquisse une édition scientifique fondée sur les sources sanskrites authentiques (1840-1847 pour les trois premiers tomes publiés à l'imprimerie royale, 1884 pour le tome IV et 1898 pour le tome V et dernier, ensemble comprenant les 12 livres requis).

"[...] Au-delà de ces mondes & plus bas, l’enfer est placé. Des fleuves de feu, des bêtes féroces, toutes sortes d’armes tranchantes, les ordures les plus infectes, enfin tous les maux y sont avec profusion. Les hommes après leur mort sont conduits devant Yamin, Président de ce lieu d’horreur : Ce Juge juste & équitable ne fait acception de personne ; il est inexorable. Ceux qui dédaignent les règles & les préceptes de piété, seront punis autant d’années qu’il y a de poils sur leurs corps. Les Athées & ceux qui méprisent la Religion, seront jetés sur des monceaux d’armes pointues. Ceux qui outragèrent les personnes en dignité & les Brahmes, seront coupés par morceaux. Les adultères, seront contraints d’embrasser des statues de fer rougies au feu. Ceux qui ne remplissent pas les devoirs de leur état, ou qui abandonnent leurs familles pour courir le pays, seront déchiquetés par des corbeaux à becs de fer. Ceux qui font mal à leur prochain ; ceux qui tuent les animaux, seront jetés dans des cachots infects, pour y souffrir des tourments horribles ; les malheureux qui n’ont pas respecté leurs parents & les Brahmes, seront dans un feu dont les flammes s’élèveront à 10,000 yossiney. Ceux qui ont maltraité les vieillards & les enfants, seront rôtis dans des marmites de fer. Les débauchés qui, sans honte, vivent pendant le jour avec des courtisanes, seront obligés de marcher sur des épines. Les médisants & les calomniateurs seront couchés sur des lits de fer, où ils seront nourris d’ordures. Les avares serviront de pâture aux vers. Ceux qui ont pillé les Brahmes, seront sciés. Les cœurs durs qui par motif d’ostentation, ont tué en sacrifice des vaches & d’autres animaux, seront battus sur une enclume. Ceux qui n’ont pas eu pitié des misérables & des pauvres, seront brûlés avec des tisons de feu. Les faux témoins seront précipités du haut des montagnes. Enfin les corps damnés (formés d'une matière subtile), quoique morcelés par les tourments, se réuniront tout de suite comme du vif argent, & ces malheureux ne mourront point." (extrait pp. 150-152).








Bon exemplaire cet ouvrage peu commun.

Prix : 850 euros

Pierre DE CORNU | Prosper BLANCHEMAIN (éditeur) Les Oeuvres poétiques de Pierre de Cornu dauphinois, précédées de sa vue par Guillaume Colletet, avec une préface et des notes par un membre de la Société des Bibliophiles Gaulois [Prosper Blanchemain]. Turin, J. Gay et Fils, Grenoble, A. Ravanat, 1870 [Vincent Bona, imprimeur de S. M., à Turin] 1 volume in-12, reliure plein maroquin signé Gruel. Un des 4 exemplaires sur chine. Exemplaire parfait.



Pierre DE CORNU | Prosper BLANCHEMAIN (éditeur)

Les Oeuvres poétiques de Pierre de Cornu dauphinois, précédées de sa vue par Guillaume Colletet, avec une préface et des notes par un membre de la Société des Bibliophiles Gaulois [Prosper Blanchemain].

Turin, J. Gay et Fils, Grenoble, A. Ravanat, 1870 [Vincent Bona, imprimeur de S. M., à Turin]

1 volume in-12 (16,4 x 10,5 cm) de XXVII-(10 pages marquées (a) à (j))-232 pages.

Reliure plein maroquin vert de l'époque, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, triple filet doré en encadrement des plats, roulette dorée en encadrement intérieur des plats, double filet doré sur les coupes, doublures et double garde de papier peigne, tranches dorées sur brochure (reliure signée GRUEL, signée en pied et au verso de la garde (tampon). Parfait exemplaire à l'état de neuf. Papier superbe. Une partie des feuillets sont encore attachés sur les tranches par la dorure.

Réimpression faite à 100 exemplaires dont 96 sur papier vélin et 4 sur papier de chine. Il a été tiré en outre 3 exemplaires sur peau de vélin.

Celui-ci, un des 4 exemplaires sur chine.











Les Oeuvres poétiques de Cornu ont été publiées à Lyon en 1583 chez Jean Huguetan. Elles se composent de pièces de jeunesse assez gaillardes adressées à sa maîtresse, une jeune demoiselle Laurini, d'Avignon. Elles sont formées de deux livres principaux des amours en sonnets (...), entremêlés de stances et de chansons plus qu'érotiques : car, en cela du moins, Pierre de Cornu se distingue des poètes pétraquisans de son temps : ses amours sont positifs jusqu'à la grossièreté (...) mais il ne manque pas d'une sorte de verve préférable sans doute en poésie aux plaintes langoureuses de ses rivaux (Viollet-le-Duc). Ces deux livres sont suivis de quelques stances dans lesquelles il demande pardon à Dieu de ses égarements de jeunesse.

Cette édition de 1583 est très rare. Prosper Blanchemain a cru bon et utile aux lettrés de la réimprimer à très petit nombre d'exemplaires (103).

"Pierre de Cornu est un de ces poètes qui ont le privilège de passionner les bibliophiles; ceux qui le possédaient le plaçaient avec orgueil sur leurs rayons, ceux qui le désiraient se le disputent, dans les ventes, au poids de l’or. Notre édition ne le jettera pas entre les mains de tout le monde; mais elle mettra quelques amateurs de plus à même de lire un volume, auquel la vivacité de certains détails donne un ragoût et un piquant tout particuliers. [...]" (Préface)

"Ses Poé­sies amou­reuses, toutes com­po­sées pour la Demoi­selle Lau­ri­ni, Avi­gnon­naise, sont rem­plies d’obs­cé­ni­tés si gros­sières, qu’il a sûre­ment dû en avoir honte, dès qu’il a com­men­cé à pen­ser un peu sérieu­se­ment." (abbé Goujet, 1752)

Ce petit volume imprimé avec luxe, ici relié de la plus belle façon qui soit par l'un des plus grands ateliers de l'époque (Gruel), est la seule chance d'avoir un livre rare dont la première édition s'arrache lorsqu'elle passe en vente (le prix de l'édition de 1583 oscille entre 2000 et 3500 euros selon la condition des exemplaires - la plupart reliés en maroquin dans la seconde moitié du XIXe siècle).

Mon Dieu le beau téton, mon tout, ma doucelette,
Que je vois apparoir par-dessous ton collet :
Il soupire toujours, las qu’il est rondelet,
Et garni par-dessus d’une peau blanchelette.
Laisse le moi toucher, ma petite garcette,
Laisse-moi lui donner un baiser doucelet,
Eh bon Dieu quel plaisir ! il est si joliet
Que je ne vis jamais charnure si parfaite.
Or sus baille-le-moi, je le veux mignoter,
Je le veux manier, je le veux suçoter,
Pour en sucrer le bout de ma langue ravie.
Va-t’en, retire-le, je suis tant appâté,
Je suis tant ébloui, pour l’avoir suçoté,
Que de trop de douceur, je sens couler ma vie.

(sonnet XXXIII)








Provenance : de la bibliothèque de A. Jouffray avec son ex libris gravé imprimé en sanguine. D'après le site Bibliothèque Dauphinoise, il s'agirait d'Antoine Jouffray, colonel d'artillerie, polytechnicien (1868), membre de l'Académie Delphinale en 1889. A la retraite, il s'est retiré dans son domaine de Ker-Huel en Aradon (Morbihan) où il est mort vers 1934 ; étiquette du libraire-éditeur de l'ouvrage ; A. Ravanat de Grenoble, avec sa petite étiquette rouge collée au verso du premier plat (il est fort probable que cet exemplaire ait été relié par Gruel pour le libraire A. Ravanat, puis est passé dans la bibliothèque de Jouffray ; on voit mal l'inverse possible).

Bijou bibliophilique parfaitement conservé.

Prix : 1 200 euros

samedi 28 juin 2025

Jean RIVIER | Ilarie VORONCA (préface) | Suzanne VICARINO (illustrations) Nous sommes au monde. Préface de Ilarie Voronca. Aquarelles de Suzanne Vicarino. Poèmes 1940-1945. Sans lieu, ni nom, ni date [1946] [la présentation, le pliage et le brochage sont faits par l'auteur]. 1 volume in-8 broché. Un des 12 exemplaires de tête numérotés I à XII (n°XI) sur vélin Bellegarde contenant chacun une aquarelle originale de Suzanne Vicarino et 12 photographies originales. Bel exemplaire. Très rare et superbe recueil de poésies intensément illustrées.



Jean RIVIER | Ilarie VORONCA (préface) | Suzanne VICARINO (illustrations)

Nous sommes au monde. Préface de Ilarie Voronca. Aquarelles de Suzanne Vicarino. Poèmes 1940-1945.

Sans lieu, ni nom, ni date [1946] [la présentation, le pliage et le brochage sont faits par l'auteur]

1 volume in-8 (19,2 x 14,5 cm) de 80 pages. Avec 12 illustrations photographiques en noir et blanc tirées des aquarelles originales de Suzanne Vicarino. Avec en frontispice une gouache originale (qui correspond à celle numérotée 10 dans le recueil). Bien complet du prospectus pour cette édition (avec mentions manuscrites de l'auteur).  Parfait exemplaire protégé sous papier cristal.

Edition originale.

Tirage unique à 200 exemplaires seulement.

Celui-ci, un des 12 exemplaires de tête numérotés I à XII (n°XI) sur vélin Bellegarde contenant chacun une aquarelle originale de Suzanne Vicarino et 12 photographies originales.

Les 12 volumes suivants contiennent uniquement les 12 photographies originales. Les 75 exemplaires suivants ne contiennent qu'une seule photographie originale. Il a été tiré en outre 100 exemplaires sur papier du moment et contenant une reproduction en fac-similé. Il n'y a pas de n°13.

Le petit prospectus nous donne le détail du prix des exemplaires. Un des 12 ex. de tête comme le nôtre était vendu 1000 francs (somme énorme pour l'époque), un des 87 ex. était vendu 220 francs, un des 100 ex. 30 francs.



Jean Rivier s'adresse ainsi à Ilarie Voronca de manière posthume : "Cher Voronca, je pensais avoir la joie de corriger avec toi les épreuves de cet humble recueil dont tu avais suivi la composition. Mais tu as quitté tes amis, tes nombreux amis pour entreprendre seul un difficile voyage et nous nous souvenons maintenant à la lumière de tes poèmes de ton cœur incomparable." Ilarie Voronca, né Eduard Marcus en 1903 à Brăila dans une famille juive, est un poète roumain devenu figure majeure de l’avant-garde avant de s’installer à Paris en 1933 avec son épouse Colomba pour fuir les tensions balkaniques ; d’abord influencé par le symbolisme puis Dada, il invente la pictopoésie et théorise l’intégralisme, publiant en Roumanie des recueils marquants comme Colomba ou Ulise avant de s’illustrer en France avec Permis de séjour (1935) et La Poésie commune (1936), qui affirme son engagement pour une poésie collective ; naturalisé français en 1938, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, il continue à écrire en prose et en vers jusqu’à son suicide en 1946 à Paris.




« Tout livre est une maison qui, sur les routes du monde, attend le voyageur exténué » écrit Voronca en tête de sa Préface (rédigée en mars 1944), « Une chaleur agréable y règne. Les fenêtres sont ouvertes vers des paysages enchanteurs. Dans la chambre du milieu est dressée une table magique où les plats et les coupes ne se vident jamais. Des hôtes innombrables peuvent s'y restaurer. On dirait même qu'au contraire de ce qui se passe aux autres repas, les victuailles de cette table se multiplient au fur et à mesure de leur consommation. [...] Me voici donc au seuil d'une telle maison. [...] ». Voronca poursuit : « Jean Rivier est venu à la poésie au moment où le surréalisme avait déjà fait briller tous les feux de ses vaisseaux. Dans une nuit fantastique les flûtes d'André Breton et d'Eluard avaient fait s'éveiller les plus suaves apparitions. Les secrets de l'âme et du rêve étaient dévoilés. Les mots faisaient l'amour et des chants désespérément beaux résonnaient dans l'espace. C'est bien dans la forge illuminée du Surréalisme que Jean Rivier a forgé ses outils. Mais avec ces outils aux vertus magiques, il allait tailler ses métaux propres, car c'est sa vie même qu'il entendait ciseler dans ses vers et avant que de l'écrire, il a voulu vivre sa poésie. [...] Son cœur est partagé entre l’amour du monde et l’amour d’une femme inoubliable. Pour exprimer son espoir il use d’un langage direct dont les images prennent leur sève aux choses vivantes de la nature. Un parfum de menthe sauvage plane autour de ses vers. Son lecteur devient vite son confident. N’importe lequel des sous-titres de ce recueil définit en quelque sorte la vision du monde de Jean Rivier. « Poèmes pour la Soif », « Du cœur aux lèvres », « Rafales ». Et comme le fruit même de cet arbre ensorceleur qu’est la femme constitue le triomphe de la vie sur la souffrance et sur la mort, la poésie de Rivier est un triomphe sur les ténèbres, sur le désespoir et sur la lassitude. « Nous sommes au monde » affirme Jean Rivier. Et il fait sien ce monde qui l’a engendré, comme, issu de la femme, l’homme prend possession d’une femme qui n’est que l’image de celle dont il est né. L’amour et la vie, les combats de l’homme avec ses fantômes et ses semblables sont les fleuves qui enrichissent l’océan de cette poésie. Mais, sans se livrer à l’intempérance verbale comme le font certains faux prophètes qui s’enivrent de mots et de mythes ayant perdu tout sens pour l’univers actuel, Jean Rivier tient à ce que ses poèmes disent quelque chose et que ce quelque chose soit compris de tous. Je ne suis pas d’accord avec Lautréamont qui disait que la poésie doit être faite par tous. Je dirais plutôt que la poésie doit être lue par tous. [...] »








Jean Rivier (1915-2017), né à Tunis et devenu figure majeure de la céramique française des années 50 à Vallauris, commence sa carrière comme horloger-bijoutier tout en écrivant des poèmes. Durant la guerre, il continue d’écrire et s’initie dès les années 1940 à la gravure sur bois, développant une pratique qui nourrit son goût pour l’abstraction graphique et qui l’accompagne toute sa vie, notamment dans ses recherches sur les signes et l’écriture stylisée. Après la Libération, il publie également des textes aux Cahiers du Sud. Installé à Vallauris en 1952, il y retrouve Juliette Derel, qu’il épouse en 1953 ; leur production commune, marquée par un décor abstrait et géométrique, connaît un grand succès international. Après leur divorce en 1959, Rivier collabore avec Marie-Claude Rigaud (Claudie), développant un style inspiré de l’art pariétal et de schémas électriques, et participe activement à la vie artistique locale en cofondant l’Union des Arts Plastiques. Après avoir quitté Vallauris pour Tours en 1968, il fonde « l’Atelier 150 », enseigne la céramique aux Beaux-Arts de Tours, et se consacre aussi à la gravure sur bois et à la linogravure, exposant régulièrement ses œuvres graphiques. En 1976, il réalise un livre d’artiste rare, Haute-Provence, publié à très petit nombre, où il conjugue les textes poétiques de Luc Decaunes et ses propres gravures originales sur bois inspirées des paysages et lumières de cette région, véritable manifeste de son art alliant écriture, graphisme et nature. Dans les années 80, il poursuit son activité littéraire et artistique, et publie en 2007 Vallauris, le temps des copains, mêlant souvenirs et textes. Il épouse en 1983 Michelle Pomiés et poursuit sa création jusqu’à sa mort à 101 ans, laissant une œuvre riche et stylisée où céramique, gravure et poésie traduisent un même esprit d’abstraction et de liberté, emblématique de l’âge d’or des Trente Glorieuses.

On ne sait rien de l'illustratrice de ce livre, Suzanne Vicarino, qui semble n'avoir pas illustré d'autres ouvrages. On lui connait une paire de belles aquarelles intitulées La favorite du Sultan et Présents à la favorite du Harem (signées et datées 1922 et 1921) soit plus de 20 ans avant l'illustration des Poèmes de Jean Rivier.







Bel exemplaire tel que publié du très rare tirage de tête avec gouache originale et suite des photographies.

Prix : 1.350 euros

jeudi 26 juin 2025

Félicien Rops et son oeuvre (1897) | Bruxelles, Edmond Deman. Un des 50 exemplaires sur Chine. Exemplaire auquel on joint une lettre autographe de Félicien Rops à une dame à propos d'Henri Liesse. Rare ensemble.


Arsène ALEXANDRE - E. BAILLY - F. CHAMPSAUR - Edmond HARAUCOURT - J.-M. HEREDIA - J.-K. HUYSMANS - Camille LEMONNIER - Léon MAILLARD - Octave MIRBEAU - J. PELADAN - Vittorio PICA - E. RODRIGUES - Octave UZANNE - Emile VERHAEREN, etc.

FÉLICIEN ROPS ET SON ŒUVRE.

A Bruxelles, chez Edmond Deman, libraire, 1897

1 volume in-4 (25,5 x 18,5 cm), broché, 185-(3) pages. Illustrations dans le texte (reproductions, portrait). Bon état, couverture légèrement défraichie. Rousseurs sur les gardes uniquement.

ÉDITION ORIGINALE EN VOLUME.

TIRAGE A 366 EXEMPLAIRES SEULEMENT.

CELUI-CI, UN DES 50 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE CHINE.

Deuxième papier, avec 6 simili Japon et avant 310 papier vélin fort.



Ce recueil a été publié au moyen des éléments qu'ont fournis les neuf fascicules consacrés à Félicien Rops par la revue La Plume. Ceux-ci ont été remaniés et augmentés de diverses pièces que seule cette édition renferme, comme seule aussi, elle constitue, en raison de sa pagination et de ses titres, couvertures et tables, un livre qui puisse trouver place sur les rayons du bibliophile. (avertissement)













Exemplaire bien complet du feuillet d'errata volant et d'une épreuve sur chine fort des Bas fonds de la Société par Joseph Prudhomme. Les exemplaires vélin (300 ex.) étaient vendus 15 francs tandis que les exemplaires sur Chine (50 ex.) étaient vendus 35 francs.


Exemplaire auquel on joint une lettre autographe de Félicien Rops à une dame (à propos de son ami Henri Liesse) :

"Paris le 4 nov. 1889 // Madame, // Voici la dernière adresse de notre ami Henri Liesse : // 17 Rue Dupont // Schaerbeeck // Bruxelles. // Je l'ai vu il y a un an à Bruxelles ; - il fait un article hebdomadaire dans le supplément littéraire de l'Indépendance Belge. Il y a quelques jours, j'ai été à Bruxelles, sans pouvoir le prévenir de mon arrivée ; - je revenais de Namur, - et je ne l'ai pas vu, ne restant à Bruxelles que quelques heures. // Je vous dirai d'ailleurs, que la conversation entre nous est devenue difficile. Comme je l'aime beaucoup, je ne peux m'empêcher de blâmer sa conduite littéraire, qui consiste à s'attarder sur une œuvre, sans la publier, car le fameux roman est toujours dans les limbes de l'enfantement, comme il l'était à l'époque du départ de Liesse pour Chooz. Cela lui mange sa vie, lui impose toutes sortes de privations, et finit par le faire passer pour un monomane. - Il s'entête, la discussion s'aigrit, et l'on se quitte froidement, ce qui m'est pénible. Voici mon adresse dans le cas où vous désiriez avoir quelque chose à m'écrire ou à me dire : 1. Place Boieldieu. Je n'habite plus 21. Rue de Grammont. Acceptez Madame mes meilleures civilités. Félicien Rops. N.B. Vous pourriez écrire aux bureaux de l'Indépendance Belge à Bruxelles, en même temps que rue Dupont.

Lemonnier écrivit à propos de Liesse : "Liesse qui ne fit, je crois, qu’un livre, mais qui le fit bien, d’une jolie tête annelée en ce temps, avec des yeux frais de jouvenceau et un sourire mouillé d’où les vers ne cessaient pas de tomber…". Henri Liesse (1849-1921). Romancier belge. Liesse est membre du premier comité de rédaction du journal belge L’Artiste (1875-1880). Il compte également au nombre des fondateurs de L’Art Libre, revue artistique et littéraire qui verra le jour à Bruxelles en 1871. Liesse est l’un des plus fidèles amis de Rops et fait partie de ses correspondants réguliers. Leur relation est attestée depuis 1872. La dame à qui ce billet est adressé n'a pu être identifiée.


Rare sur papier de chine. Avec une lettre autographe de Félicien Rops.

Prix : 2 500 euros