vendredi 4 juillet 2025

BARON (Michel BOYRON dit) | Les Oeuvres de Monsieur Baron. A Paris, chés Pierre Ribou, 1704 [i.e. 1686-1694] 4 pièces de théâtre reliés en 1 volume. Reliure plein maroquin rouge signé HARDY. Superbe exemplaire de cette édition rare, surtout avec Les Enlèvements de 1686 qui s'y trouvent rarement réunis.


BARON (Michel BOYRON dit)

Les Oeuvres de Monsieur Baron.

A Paris, chés Pierre Ribou, 1704 [i.e. 1686-1694]

4 pièces de théâtre reliés en 1 volume. Les 4 pièces ci-dessous ont été réunis en un seul volume avec un titre général :

Les Enlèvemens, comédie.

A Paris, chez Thomas Guillain, 1686

(4)-56 pages

La Coquette, et la Fausse Prude, comédie.

A Paris, chez Thomas Guillain, 1687

(2)-179-(1) pages

L'Homme à Bonne Fortune, comédie.

A Paris, chez Pierre Ribou, 1697

(12)-144 pages

L'Andrienne, comédie. Par M. Baron

A Paris, chez Pierre Ribou, 1694

(8)-97-(3) pages

Reliure plein maroquin rouge signé HARDY (exécutée vers 1865-1870), dos richement orné aux petits fers, triple filet doré en encadrement des plats, large dentelle dorée en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier peigne, tranches dorées sur marbrure. Reliure parfaitement conservée. Intérieur très frais (exemplaire lavé au moment de la reliure comme presque toujours à cette époque). La cahier H de la Coquette a le papier roussi (pp. 85 à 96).


Nouvelle édition peu commune qui réunit 4 pièces de l'auteur. Une première édition avait paru chez Thomas Guillain en 1694. Ce sont ici les mêmes feuilles imprimées qui ont été utilisées et remises en vente par le libraire Pierre Ribou à la date de 1704 soit dix ans plus tard.

La plupart des exemplaires de cette remise en vente de 1704 ne contiennent pas Les Enlèvemens (bien présent ici en tête de volume). Les feuillets de privilèges originaux sont bien présents. Les Enlèvements, comédie en un acte et en prose représentée pour la première fois au Théâtre-Français le 6 juillet 1685, imprimée l’année suivante (1686) à Paris chez Thomas Guillain, est ici en édition originale qui semble rare. Elle a été achevée d'imprimer pour la première fois le 15 mars 1686.



Le théâtre complet de Baron ne parut qu'après sa mort, en 1742 en 2 volumes in-12 puis en 1759 en 3 volumes in-12. Dans notre exemplaire L'Homme à bonne fortune contient une Epître et une Préface, de même pour l'Andrienne qui contient un Avis au lecteur. Dans notre exemplaire les feuillets contenant l'Epître à Madame la Dauphine (3 pages) et la liste des acteurs (1 page) n'ont pas été reliés pour la Coquette.

Michel Boyron dit Baron (1653-1729), grand comédien et dramaturge français, fut l’élève de Molière avant de devenir son partenaire de scène et, selon certains témoignages, son amant passionné. Considéré comme le plus grand acteur de sa génération, il interpréta les œuvres majeures du règne de Louis XIV, de Corneille à Racine, excellant tant dans le comique que dans le tragique. Auteur de dix comédies en prose ou en vers, dont la plus célèbre, L’Homme à bonne fortune, fut jouée jusqu’au milieu du XIXᵉ siècle, il marqua profondément l’histoire théâtrale. Retiré en 1691 après une carrière triomphale, il fit un retour sensationnel en 1720, à près de soixante-dix ans, poursuivant jusqu’à sa mort en 1729 une seconde carrière sur la scène du Palais-Royal. Il fut le père d’une dynastie de comédiens et la figure centrale d’un pan essentiel du théâtre classique français.











Provenance : aucun ex libris n'est présent dans l'exemplaire cependant nous avons retrouvé sa trace dans le catalogue de la vente d'un choix de beaux livres français dressé par le libraire Adolphe Labitte en 1875 (n°165).

Superbe exemplaire parfaitement établi par Hardy au milieu du XIXe siècle.

Prix : 1 250 euros

jeudi 3 juillet 2025

Charles WILKINS (auteur) | PARRAUD (traducteur). [Bhagavad Gîtâ] Le Bhagvat-Geeta, ou Dialogues de Kreeshna et d'Arjoon ; contenant un Précis de la Religion et de la Morale des Indiens. Traduit du sanscrit, la langue sacrée des Brahmes, en anglais, par M. Charles Wilkins : et de l'anglais en français, par M. Parraud, de l'Académie des Arcades de Rome. A Londres, et se trouve à Paris, chez Buisson, 1787. Edition originale de la traduction française. Bon exemplaire de ce livre important pour l'histoire de l'Inde ancienne et de la religion hindouiste en occident.


Charles WILKINS (auteur) | PARRAUD (traducteur)

[Bhagavad Gîtâ] Le Bhagvat-Geeta, ou Dialogues de Kreeshna et d'Arjoon ; contenant un Précis de la Religion et de la Morale des Indiens. Traduit du sanscrit, la langue sacrée des Brahmes, en anglais, par M. Charles Wilkins : et de l'anglais en français, par M. Parraud, de l'Académie des Arcades de Rome.

A Londres, et se trouve à Paris, chez Buisson, 1787

1 volume in-8 (19,9 x 12,6 cm) de 6-CLXII pp. et 180 pages.

Reliure strictement de l'époque pleine basane marbrée, solide avec usures d'usage (coins et coiffes usés, mors et plats avec épidermures, manque de cuir sur les coupes, petites piqures de vers au dos sans gravité, intérieur très frais. La reliure est solide, saine et encore décorative (le dos est en bon état).



Edition originale de la traduction française.

La traduction française est de l'abbé Joseph Pascal Parraud (1752-1832).

La première édition anglaise par Wilkins a paru deux ans auparavant (1785). L'orientaliste anglais Charles Wilkins (1749-1836) fut le premier à donner une traduction partielle du Mahabharata, une des parties de la "Bhagavad gita" (Le chant du bienheureux) dont les plus anciennes traces remontent au IIe siècle A.C., sorte de dialogue philosophique entre le prince guerrier Arjuna et son ami Krishna, réincarnation de Vishnu, qui montre la conduite à avoir pour atteindre le divin.

"S'il est une Nation, qui, par son antiquité, par les précieux monuments qu’elle, possède, par la sagesse & la douceur de ses institutions, par la pureté de ses dogmes primitifs, mérite l’attention du Philosophe ; c’est sans doute la Nation Indienne , dont les Sages ont été de tous temps en vénération par leurs connaissances, même parmi les peuples les plus instruits. Le voyage de Zoroastre dans l’Inde, celui de Pythagore quelques siècles après, c’est-à-dire vers le temps de Servius-Tulllus, sixième Roi de Rome ; la peine que prirent ces deux grands Hommes de s’instruire de la Religion et de la Philosophie des Brahmes ; les dogmes qu’ils en ont évidemment adoptés, prouvent assez que dès longtemps  l’Hindoustan était renommé pour les sciences chez les peuples de l’Asie." (Discours préliminaire)

Les 162 premières pages du volume (chiffrées en romain) contiennent un long Discours préliminaire, un Extrait du Shaster, donné par Henri Lord (Lord's Discovery of the Banian religion). La suite contient une Lettre de M. Hastings à M. Nathaniel Smith, écuyer ; la Préface de M. Wilkins et le Bhagvat-Geeta à proprement parler.










"La Mahâbhârata et le Râmâyana, deux exemples de grandes épopées d’Inde et d’Asie du Sud, sont des textes fondateurs de la littérature et la culture indiennes. Ils sont reconnus pour leur riche narration, leurs enseignements moraux et leur profondeur philosophique. Ces épopées se transmettent d’abord par la tradition orale pendant des siècles avant d’être transcrites à l’écrit, et elles inspireront également un nombre infini d’adaptations, d'interprétations et de traductions dans diverses cultures et langues. Les voyageurs, administrateurs, missionnaires et érudits français installés en Inde comptaient parmi ceux qui recherchaient et collectaient les manuscrits d’épopées indiennes. Guidée par son obsession de vaincre la concurrence britannique, la France a également traduit les épopées indiennes en français. La retraduction de 1787, par l’Abbé Parraud, de la traduction anglaise de la Baghavad-Gita signée Charles Wilkins en est un exemple." (Bnf, en ligne, Epopées d'Asie du Sud)

"[...] Au commencement, quand Brahma, le Maître de la Création, eut formé l’homme, & lui eut prescrit son culte, il parla ainsi : "Avec ce culte, priez pour la multiplication, & n’attendez que de là l'accomplissement de tous vos désirs. De plus, souvenez-vous des Dieux, afin que les Dieux se souviennent de vous. Aidez- vous l'un l’autre, & vous parviendrez à la souveraine félicité. Les Dieux étant honorés dans votre culte, vous accorderont la jouissance de vos désirs. Celui qui jouit de ce qui lui a été accordé par les Dieu et ne leur en offre pas une partie, est semblable au Voleur. Celui qui ne mange que de ce qui reste des offrandes, sera purifié de tous ses péchés. Celui qui ne prépare des aliments que pour lui, mange le pain du péché. Tout être qui a vie est produit par le pain qu’il mange ; le pain est produit par la pluie ; la pluie l'est par le culte divin, & le culte divin par les bonnes œuvres. Apprends que les bonnes œuvres viennent de Brahma, dont la nature est incorruptible : c’est pourquoi Brahma, qui est présent partout y est présent dans ton culte. L'homme qui se plait à assouvir ses passions, et ne s'accommode pas aux vicissitudes si communes dans le monde, ne mène qu'une vie inutile. Mais celui qui peut être content & satisfait de soi-même, & qui peut se trouver heureux dans fon cœur (n'a pas besoin de remplir les parties cérémonielles de la loi). Il n’a point d’intérêt, ni dans ce qui se fait, ni dans ce qui ne se fait point ; & il n’y a pas, parmi toutes les choses créées, un seul objet fur lequel il puisse mettre sa confiance. Ainsi donc accomplis ce qu’il faut que tu faffes, en tout temps, & sans t’inquiéter fur l’événement : car celui qui fait ce qu’il doit faire sans passion obtient l’Etre Suprême. [...] (pp. 48-49)







Provenance : signature ex libris "Gilbert" sur le titre. Etiquette du libraire Joseph Boudot Lamotte à Paris (fin XIXe s. début XXe s.).

Bon exemplaire de ce livre peu commun important pour l'histoire de l'Inde ancienne et de la religion hindouiste en occident.

Prix : 950 euros

mercredi 2 juillet 2025

C. Nobody [alias Griffet de la Baume] [Félicien ROPS, frontispicier] La Messe de Gnide suivie du Sermon préché à Gnide, de la Prière à Céline et de la Veillée de Vénus. Bruxelles, Gay et Doucé, 1881. 1 volume in-12 relié à l'époque pleine percaline rouge. « Il s'agit d'une parodie érotique spirituellement écrite du saint sacrifice de la messe" (Jules Gay)



C. Nobody [alias Griffet de la Baume] [Félicien ROPS, frontispicier]

La Messe de Gnide suivie du Sermon préché à Gnide, de la Prière à Céline et de la Veillée de Vénus.

Bruxelles, Gay et Doucé, 1881

1 volume in-12 (16,7 x 11,2 cm) de 88-(1) pages. Avec un joli frontispice érotique par Félicien Rops. Typographie en violet et rouge.

Cartonnage bradel pleine percaline rouge, titre et fleuron doré au dos, relié sur brochure (vers 1890-1900). Superbe état. Imprimé sur beau papier vergé, non rogné. Couverture imprimée conservée (les deux plats).



Nouvelle édition.

Tirage à 500 exemplaires.

"Félicien Rops, assoiffé de discrétion ne souhaitait pas trop que son nom soit mêlé à ceux d'éditeurs qui, parallèlement à leurs publications d'ouvrages galants avaient entrepris celles d'ouvrages érotiques. Ayant un faible pour l'éditrice Henriette Doucé, il réalisa pendant la seule année 1881, en moins de 8 mois, 13 frontispices , dont celui des Rimes de joie et 4 eaux-fortes pour ce même ouvrage. C'est ainsi qu'apparurent alors , et je les cite par classement alphabétique : les amusements des dames de Bruxelles de Chevrier, le Catéchisme des gens mariés, les chansons badines de Collé, les cousines de la colonelle, les dévotions de Monsieur Henri Roch avec Madame la duchesse de Condor par l'abbé de Voisenon, le dictionnaire érotique de Delveau, le Diable dupé par les femmes, la fleur lascive orientale, la messe de Gnide, les oeuvres badines de l'abbé de Grécourt, le recueil complet des chansons de Collé, les rimes de joie d'Hannon, et la Sphère de la lune." (Vicomte Kouyakov)

C'est à notre connaissance, l'une des seules impressions en couleurs (violet pour le texte et rouge pour les titres courants et nom dans le texte dans les dialogues).

« Il s'agit d'une parodie érotique spirituellement écrite du saint sacrifice de la messe" (Jules Gay)
















« Cet ouvrage ne porte pas un titre de fantaisie, c’est bien un livre de messe ; on peut l’emporter à l’église, et suivre d’un bout à l’autre, de l’Introibo à l’Ite, missa est, toutes les phases et péripéties de l’office. Il a eu deux éditions : la première à Paris, an II (1793), la seconde à Genève, en 1797. Dans les deux, il est donné comme l’ouvrage posthume d’un certain Nobody, jeune poète du plus grand avenir, à qui l’abus de l’opium aurait rendu la vie intolérable et qui se serait tué d’un coup de pistolet en 1787. Le véritable auteur a vainement essayé de donner le change au moyen de cette fable ingénieuse, on a fini par le soupçonner : « Griffet de la Baume, né à Moulins en 1750, mort en 1805 »

« Cet ouvrage ne porte pas un titre de fantaisie, c’est bien un livre de messe ; on peut l’emporter à l’église, et suivre d’un bout à l’autre, de l’Introibo à l’Ite, missa est, toutes les phases et péripéties de l’office. Il a eu deux éditions : la première à Paris, an II (1793), la seconde à Genève, en 1797. Dans les deux, il est donné comme l’ouvrage posthume d’un certain Nobody, jeune poète du plus grand avenir, à qui l’abus de l’opium aurait rendu la vie intolérable et qui se serait tué d’un coup de pistolet en 1787. Le véritable auteur a vainement essayé de donner le change au moyen de cette fable ingénieuse, on a fini par le soupçonner. Griffet de la Baume, né à Moulins en 1750, mort en 1805, est accusé d’avoir composé ce petit poème impie, où le saint sacrifice est parodié d’une manière érotique, avec grâce et élégance. C’est une curiosité littéraire de la plus grande rareté ». Mais Griffet de la Baume a-t-il entendu faire une parodie, dans le sens qu’on donne ordinairement à ce mot ? On reconnaîtra le contraire. Il règne dans ce petit poème un souffle lyrique, un accent religieux, fort éloignés de la moquerie et de la dérision. Les vers, dont les différents mètres sont habilement combinés, ont de l’ampleur, de l’harmonie et un peu de la grâce antique d’André Chénier. C’est l’oeuvre d’un croyant, d’un homme pieux, dont la piété s’adresse à d’autres autels, et qui remplace le Dieu des Chrétiens, le supplicié du Calvaire, par l’Alma Venus, inspiratrice de Lucrèce. Les Chrétiens ont emprunté presque toute la liturgie de la messe aux mystères du paganisme ; elle fait retour à ceux-ci, dans ce poème d’un païen du XVIIIe siècle : c’est donc moins une parodie qu’une restitution. D’ailleurs, le culte de la femme est le seul qui soit réellement catholique, c’est-à-dire universel. » (Viollet-le-Duc)

A propos du frontispice de Félicien Rops : "L'Oeuvre gravé et lithographié de Félicien Rops" Maurice Exsteens, Paris 1928, cf. nr. 495 "Félicien Rops. Catalogue raisonné de l'oeuvre gravé et lithographié" E. Rouir, Brussel 1992, cf. nr. 508

Bel exemplaire.

Prix : 400 euros

lundi 30 juin 2025

[Foucher d'Obsonville] [Maridas Pillai ou Poullé] Bagavadam ou Doctrine divine, ouvrage indien, canonique : sur l'Etre Suprême, les Dieux, les Géants, les Hommes, les diverses parties de l'Univers, etc. A Paris, chez la Veuve Tilliard et fils, Clousier, imprimeur du roi, 1788. 1 volume in-8 relié au XIXe siècle. Edition originale. Bon exemplaire de cet ouvrage peu commun.


[Foucher d'Obsonville] [Maridas Pillai ou Poullé]


Bagavadam ou Doctrine divine, ouvrage indien, canonique : sur l'Etre Suprême, les Dieux, les Géants, les Hommes, les diverses parties de l'Univers, etc.

A Paris, chez la Veuve Tilliard et fils, Clousier, imprimeur du roi, 1788

1 volume in-8 (20,5 x 13,5 cm environ) de LXIV-348-(2). Bien complet de l'Appendice et de l'Avertissement du libraire.

Reliure demi basane maroquinée aubergine (exécutée vers 1870-1880). Quelques frottements à la reliure (peu visibles) et intérieur en bon état (quelques rousseurs peu présentes et une petite mouillure saine et claire dans la marge haute.



Edition originale.

Bagavadam, ou Doctrine divine : sous ce titre évocateur et ambitieux, Foucher d’Obsonville livre au lecteur européen du XVIIIe siècle une traduction pionnière d’un texte fondamental de la tradition hindoue, inspiré du Bhāgavata Purāṇa. Publié à l’aube du tournant orientaliste des Lumières, cet ouvrage s’inscrit dans un moment où l’Europe, avide de savoirs nouveaux, découvre avec fascination les cultures de l’Asie. Dans le sillage des premiers missionnaires, voyageurs et administrateurs coloniaux, une génération d’érudits commence à s’intéresser non seulement aux langues orientales, mais aussi aux textes religieux et philosophiques qui fondent les civilisations de l’Inde. Foucher d’Obsonville, officier au service de la Compagnie française des Indes orientales, incarne cette curiosité éclairée. Formé à la pensée classique, mais ouvert à l’altérité, il s’attache à comprendre les doctrines de l’Inde avec une volonté sincère d’exactitude et de respect. Son Bagavadam, publié en 1788, bien que largement incomplet et erroné en plusieurs endroits, se situe dans la lignée des grandes entreprises orientalistes, comme celles de Friedrich Schlegel, Anquetil-Duperron ou encore la Bhagavad-Gîtâ traduite par Charles Wilkins. Il figure ainsi parmi les toutes premières tentatives françaises de rendre accessible, dans une langue élégante et raisonnée, la richesse symbolique et métaphysique des textes sanskrits. Loin d’être une simple curiosité exotique, cette œuvre témoigne d’un désir profond de comparaison des systèmes de pensée, typique des Lumières tardives, où le dialogue entre les traditions religieuses sert une quête universelle de vérité. Dans un siècle encore marqué par l’eurocentrisme, mais ébranlé par les premières fissures critiques de la pensée coloniale, le Bagavadam se distingue par son ambition intellectuelle : faire connaître à l’Occident une théologie du multiple, une cosmogonie cyclique, une sagesse où l’homme, les dieux et l’univers s’inscrivent dans une interdépendance harmonieuse. Par là même, l’œuvre annonce les grandes synthèses spirituelles du romantisme et de l’orientalisme du XIXe siècle, tout en conservant la rigueur d’un travail philologique de premier plan.

Selon Barbier (I, 377), cet ouvrage a été traduit du sanskrit d'après une version tamoule, et mis en français par un Malabare chrétien, nommé Maridas Poullé (1721-1796). Il n'est pas cité par Foucher d'Obsonville qui semble n'avoir été que l'éditeur.









Le Bhāgavata Purāṇa, ou Śrīmad Bhāgavatam, est l’un des textes sacrés les plus vénérés de l’hindouisme, véritable somme théologique et mythologique en douze livres célébrant la figure divine de Krishna comme manifestation suprême de l’Absolu. Structuré autour du dialogue entre le roi Parīkṣit, condamné à mourir en sept jours, et le sage Śuka, l’ouvrage expose une vision cyclique de l’univers, narre la création des mondes, les avatars de Vishnou, et notamment la vie de Krishna, à la fois espiègle enfant divin, séducteur céleste et guide spirituel. Par son lyrisme, sa richesse narrative et sa profondeur philosophique, le Bhāgavata Purāṇa constitue un pilier de la tradition bhakti (dévotion) et une invitation à la contemplation, à la piété et à la libération intérieure. Ce texte fondamental, transmis et commenté au fil des siècles, demeure une source inépuisable pour qui souhaite comprendre le cœur spirituel de l’Inde. Il faudra attendre les travaux érudits d’Eugène Burnouf au XIXe siècle pour qu’enfin s’esquisse une édition scientifique fondée sur les sources sanskrites authentiques (1840-1847 pour les trois premiers tomes publiés à l'imprimerie royale, 1884 pour le tome IV et 1898 pour le tome V et dernier, ensemble comprenant les 12 livres requis).

"[...] Au-delà de ces mondes & plus bas, l’enfer est placé. Des fleuves de feu, des bêtes féroces, toutes sortes d’armes tranchantes, les ordures les plus infectes, enfin tous les maux y sont avec profusion. Les hommes après leur mort sont conduits devant Yamin, Président de ce lieu d’horreur : Ce Juge juste & équitable ne fait acception de personne ; il est inexorable. Ceux qui dédaignent les règles & les préceptes de piété, seront punis autant d’années qu’il y a de poils sur leurs corps. Les Athées & ceux qui méprisent la Religion, seront jetés sur des monceaux d’armes pointues. Ceux qui outragèrent les personnes en dignité & les Brahmes, seront coupés par morceaux. Les adultères, seront contraints d’embrasser des statues de fer rougies au feu. Ceux qui ne remplissent pas les devoirs de leur état, ou qui abandonnent leurs familles pour courir le pays, seront déchiquetés par des corbeaux à becs de fer. Ceux qui font mal à leur prochain ; ceux qui tuent les animaux, seront jetés dans des cachots infects, pour y souffrir des tourments horribles ; les malheureux qui n’ont pas respecté leurs parents & les Brahmes, seront dans un feu dont les flammes s’élèveront à 10,000 yossiney. Ceux qui ont maltraité les vieillards & les enfants, seront rôtis dans des marmites de fer. Les débauchés qui, sans honte, vivent pendant le jour avec des courtisanes, seront obligés de marcher sur des épines. Les médisants & les calomniateurs seront couchés sur des lits de fer, où ils seront nourris d’ordures. Les avares serviront de pâture aux vers. Ceux qui ont pillé les Brahmes, seront sciés. Les cœurs durs qui par motif d’ostentation, ont tué en sacrifice des vaches & d’autres animaux, seront battus sur une enclume. Ceux qui n’ont pas eu pitié des misérables & des pauvres, seront brûlés avec des tisons de feu. Les faux témoins seront précipités du haut des montagnes. Enfin les corps damnés (formés d'une matière subtile), quoique morcelés par les tourments, se réuniront tout de suite comme du vif argent, & ces malheureux ne mourront point." (extrait pp. 150-152).








Bon exemplaire cet ouvrage peu commun.

Prix : 850 euros