ARISTOPHANE | LASZLO BARTA (illustrteur et relieur) | Jacques KLEIN, éditeur (éditions de la Cigogne)
LYSISTRATA. Traduction nouvelle de C. Poyard. Quarante eaux-fortes de Barta.
Aux éditions de la Cigogne, 1932
1 volume in-folio (33,5 x 27 cm) de 102-(1) pages, avec 40 eaux-fortes de Barta hors-texte et dans le texte.
Reliure strictement contemporaine plein vélin peint, grande peinture avec masques de deux personnages du théâtre grec antique sur le premier plat et deux femmes nues qui dansent au centre du second plat sur fond rouge, titre calligraphié en noir au dos, doublures et gardes peintes à la main, tête dorée, non rogné pour les autres tranches, couverture conservée (les deux plats et le dos). Reliure en très bon état (sans son certificat d'origine écrit par Barta sur un feuillet volant qui a été perdu). Comme toutes celles exécutées par l'artiste Laszlo Barta sur ses livres, les reliures étaient des modèles uniques jamais refaites à l'identique. Intérieur très frais (à noter quelques légères décharges sur quelques pages seulement). Exemplaire sans les rousseurs habituelles qu'on trouve souvent avec ce papier. Quelques éclats de peintures sur le premier plat.
Tirage unique à 109 exemplaires.
Celui-ci, un des 10 exemplaires nominatifs sur papier Montval réservés aux collaborateurs (imprimé au nom de Fotaki Pappoudoff sans numéro).
Les eaux-fortes de cet ouvrage ont été tirées par Edmond Rigal pressier en taille-douce et le texte par J. et J. Vaucher, imprimeurs à Paris (achevé d'imprimer le 15 mars 1932).
Dans Lysistrata, Aristophane imagine pour les femmes un mot d’ordre efficace : « Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris. » Alors qu’Athènes et Sparte sont en guerre, Lysistrata, une belle Athénienne, aussi rusée qu'audacieuse, convainc les femmes d'Athènes — Cléonice, Myrrhinè, Lampito — ainsi que celles de toutes les cités grecques, de déclencher et de poursuivre une grève du sexe, jusqu'à ce que les hommes reviennent à la raison et cessent le combat. La pièce a été créée en 411 av. J.-C. dans la cité d'Athènes, lors des Dionysies ou d'autres festivités moins importantes consacrées à Dionysos, les Lénéennes. Lysistrata a inspiré de nombreux artistes parmi les plus prestigieux. Citons l'interprétation donnée en 1934 par Pablo Picasso. Avant lui l'artiste décadent anglais Aubrey Beardsley en donne une puissance interprétation également (1896). On peut citer également les interprétations de ce texte classique de l'érotisme grec par Frantisek Kupka, Laszlo Barta, etc.
Laszlo Barta était peintre et mosaïste, et artisan relieur et décorateur de ses propres reliures. Il est né en 1902 à Nagykoros en Hongrie et s'est fixé en France en 1926. Naturalisé français, il est mort en 1961. Il a conçu des décors et illustré plusieurs livres (Carmen, Gargantua, Femmes de Verlaine, Villon, etc.) pour bibliophiles. Bénézit indique d'après le témoignage de la veuve de l'artiste : « vu les circonstances après 1932 [...], il [L. Barta] avait jugé prudent, avec l'accord de son éditeur et vu sa situation d'apatride : Hongrois et Israélite, de substituer à son vrai nom le pseudonyme de Brutus, dès lors qu'il s'agissait d'ouvrages un peu spéciaux - érotiques - ornés pour la plupart de gouaches originales. » Laszlo Barta s'est également essayé à l'eau-forte pour illustrer quelques ouvrages de bibliophilie tel que celui que nous présentons.
Montparnasse fut pour Barta le lieu de rencontre avec les peintres fauves comme Matisse et Dufy, dont il apprendra à maîtriser le placement des couleurs. Il se liera également d'amitié avec Gleizes, entre autres. Son parcours artistique évolue d'un style expressionniste inspiré du fauvisme, traverse le cubisme et aboutit, à la fin de sa vie, à l'abstraction. Il s'établit vers 1950 à Saint-Tropez et sa maison devient le lieu de rencontre des artistes. La galerie Julien Levy à New-York exposera en permanence ses oeuvres aux côtés de celles de Dufy, Braque et Picasso.
Jacques Klein a vu le jour le 16 juillet 1897 à Szamosujvar, une petite ville proche de Dej dans la Transylvanie de l'empire austro-hongrois (actuelle Hongrie). En tant que quatrième enfant d'une famille juive modeste, il apprend la gravure en autodidacte. En 1919, il décide de se joindre aux révolutionnaires dirigés par Bela Kun, suivant ainsi ses idéaux. Après l'échec et la répression de cette révolution, il est arrêté et doit s'exiler. En 1924, il choisit de s'installer en France, où il fréquente le milieu des réfugiés hongrois et fait la connaissance de divers artistes à Montmartre, notamment le peintre Lazlo Barta, qui illustrera par la suite plusieurs de ses livres. Il fait également la rencontre du graveur en taille douce Edmond Rigal, qui réside à Fontenay aux Roses, et y établit sa maison d'édition (19, rue Guérard), fondant les Editions de la Cigogne, "entreprise spécialisée dans la création et la vente de livres illustrés". En 1932, il publie son premier livre illustré, des poèmes de Villon avec des illustrations de Barta, suivi de plusieurs autres ouvrages, dont "Lysistrata" d'Aristophane, "Gargantua" de Rabelais en 1934, "le Cantique des cantiques" en 1936, puis "Inferno" de Dante en 1938, publié en italien pour garantir une fidélité totale au texte. La seconde guerre mondiale se profilant, l'horizon de l'Europe s'assombrit progressivement. Face à l'accélération des événements, Jacques Klein réussit à rejoindre la zone non occupée et à embarquer à Bayonne avec sa fiancée. Le couple débarque à Casablanca, au Maroc, le 6 juillet 1940, où Jacques Klein épouse Henriette Le Layec le 30 juillet. Les Editions de la Cigogne poursuivent leur activité au Maroc. La parution des nouveaux livres qui seront publiés au fil des années s'effectue grâce à des échanges réguliers avec Edmond Rigal et son fils Jacques, l'imprimeur Pierre Bricage, ainsi que les clients bibliophiles et d'autres artistes et illustrateurs que Jacques Klein a identifiés. Parmi eux se trouvent le peintre Albert Marquet, qu'il sollicite pour représenter les paysages et côtes algériennes dans "les Sites et Mirages" (texte de Henri Bosco), et Albert Gleizes, qu'il considère comme le mieux placé pour illustrer les "Pensées" de Pascal. Ce dernier ouvrage sera exposé et salué lors de la biennale de Venise en 1950. Dans chacune de ses initiatives, Jacques Klein s'efforce de maintenir une cohérence entre les textes et leurs illustrations. Encore en pleine activité, il décède le 1er janvier 1955, moins de deux ans après la mort d’Albert Gleizes. À son décès, Jacques Klein est reconnu par de nombreux journaux d'art de son temps comme un grand éditeur, un professionnel exigeant qui n'a jamais compromis sa vision élevée du livre d'art.
Très beau livre illustré imprimé à très petit nombre et habillé d'une très jolie reliure peinte et exécutée par l'artiste illustrateur.
Prix : 1 600 euros