Prosper Mérimée | Laszlo Barta (illustrateur)
Carmen. Illustrations de Barta.
Editions de la Cigogne. Paris, 1942
1 volume in-folio (33 x 26 cm), en feuilles couverture illustrée rempliée, 160 pages. Avec 41 gouaches originales dans le texte et hors-texte reproduites à l'identique par Edmond Vairel. Emboîtage éditeur.
Tirage unique à 215 exemplaires.
Celui-ci, un des 177 exemplaires sur vélin de Rives (n°115).
Avec 23 ex. sur Japon nacré et 15 ex. de collaborateurs.
Les 41 gouaches originales de Barta ont été reproduites par Edmond Vairel, enlumineur d'art à Paris. Le texte composé en Garamont corps 24 a été imprimé sur les presses de Pierre Bricage à Paris. Achevé d'imprimer le 10 février 1942.
Exemplaire enrichi de 2 gouaches originales au format du livre (32 x 25 cm) signées par l'artiste. L'une des deux gouaches (le bohémien joueur de guitare) est insolée en marges (brunissement). L'autre gouache, en parfait état, représente l'attaque d'une diligence par les brigands.
Le Carmen de Prosper Mérimée, nouvelle publiée en 1847, est un récit bref et intense qui mêle exotisme, passion et tragédie. Inspirée par un voyage en Espagne et enrichie de recherches ethnographiques, l’œuvre suit un narrateur français qui rencontre Don José, un ancien soldat devenu brigand par amour pour la belle et insaisissable bohémienne Carmen. Mérimée mêle récit cadre et récit enchâssé, donnant la parole à Don José, dont la déchéance progressive est racontée avec sobriété. Carmen incarne la liberté, la séduction et le fatalisme : elle aime selon son bon plaisir et refuse toute attache, ce qui précipite sa mort. Don José, consumé par une passion jalouse, la tue dans un accès de rage désespérée. À travers cette histoire, Mérimée explore les tensions entre civilisation et instinct, entre norme sociale et désir. Il dresse aussi un tableau critique de l’exotisme romantique, tout en offrant une réflexion sur la fatalité amoureuse. La nouvelle, brève mais dense, se distingue par son style sec, son efficacité narrative et son regard lucide sur les passions humaines.
Laszlo Barta était peintre et mosaïste, et artisan relieur et décorateur de ses propres reliures. Il est né en 1902 à Nagykoros en Hongrie et s'est fixé en France en 1926. Naturalisé français, il est mort en 1961. Il a conçu des décors et illustré plusieurs livres (Carmen, Gargantua, Femmes de Verlaine, Villon, etc.) pour bibliophiles. Bénézit indique d'après le témoignage de la veuve de l'artiste : « vu les circonstances après 1932 [...], il [L. Barta] avait jugé prudent, avec l'accord de son éditeur et vu sa situation d'apatride : Hongrois et Israélite, de substituer à son vrai nom le pseudonyme de Brutus, dès lors qu'il s'agissait d'ouvrages un peu spéciaux - érotiques - ornés pour la plupart de gouaches originales. » Laszlo Barta s'est également essayé à l'eau-forte pour illustrer quelques ouvrages de bibliophilie tel que celui que nous présentons.
Montparnasse fut pour Barta le lieu de rencontre avec les peintres fauves comme Matisse et Dufy, dont il apprendra à maîtriser le placement des couleurs. Il se liera également d'amitié avec Gleizes, entre autres. Son parcours artistique évolue d'un style expressionniste inspiré du fauvisme, traverse le cubisme et aboutit, à la fin de sa vie, à l'abstraction. Il s'établit vers 1950 à Saint-Tropez et sa maison devient le lieu de rencontre des artistes. La galerie Julien Levy à New-York exposera en permanence ses oeuvres aux côtés de celles de Dufy, Braque et Picasso.
Jacques Klein a vu le jour le 16 juillet 1897 à Szamosujvar, une petite ville proche de Dej dans la Transylvanie de l'empire austro-hongrois (actuelle Hongrie). En tant que quatrième enfant d'une famille juive modeste, il apprend la gravure en autodidacte. En 1919, il décide de se joindre aux révolutionnaires dirigés par Bela Kun, suivant ainsi ses idéaux. Après l'échec et la répression de cette révolution, il est arrêté et doit s'exiler. En 1924, il choisit de s'installer en France, où il fréquente le milieu des réfugiés hongrois et fait la connaissance de divers artistes à Montmartre, notamment le peintre Lazlo Barta, qui illustrera par la suite plusieurs de ses livres. Il fait également la rencontre du graveur en taille douce Edmond Rigal, qui réside à Fontenay aux Roses, et y établit sa maison d'édition (19, rue Guérard), fondant les Editions de la Cigogne, "entreprise spécialisée dans la création et la vente de livres illustrés". En 1932, il publie son premier livre illustré, des poèmes de Villon avec des illustrations de Barta, suivi de plusieurs autres ouvrages, dont "Lysistrata" d'Aristophane, "Gargantua" de Rabelais en 1934, "le Cantique des cantiques" en 1936, puis "Inferno" de Dante en 1938, publié en italien pour garantir une fidélité totale au texte. La seconde guerre mondiale se profilant, l'horizon de l'Europe s'assombrit progressivement. Face à l'accélération des événements, Jacques Klein réussit à rejoindre la zone non occupée et à embarquer à Bayonne avec sa fiancée. Le couple débarque à Casablanca, au Maroc, le 6 juillet 1940, où Jacques Klein épouse Henriette Le Layec le 30 juillet. Les Editions de la Cigogne poursuivent leur activité au Maroc. La parution des nouveaux livres qui seront publiés au fil des années s'effectue grâce à des échanges réguliers avec Edmond Rigal et son fils Jacques, l'imprimeur Pierre Bricage, ainsi que les clients bibliophiles et d'autres artistes et illustrateurs que Jacques Klein a identifiés. Parmi eux se trouvent le peintre Albert Marquet, qu'il sollicite pour représenter les paysages et côtes algériennes dans "les Sites et Mirages" (texte de Henri Bosco), et Albert Gleizes, qu'il considère comme le mieux placé pour illustrer les "Pensées" de Pascal. Ce dernier ouvrage sera exposé et salué lors de la biennale de Venise en 1950. Dans chacune de ses initiatives, Jacques Klein s'efforce de maintenir une cohérence entre les textes et leurs illustrations. Encore en pleine activité, il décède le 1er janvier 1955, moins de deux ans après la mort d’Albert Gleizes. À son décès, Jacques Klein est reconnu par de nombreux journaux d'art de son temps comme un grand éditeur, un professionnel exigeant qui n'a jamais compromis sa vision élevée du livre d'art.
Très bel exemplaire enrichi de 2 belles gouaches originales inédites.
Prix : 1 450 euros