Choderlos de Laclos (auteur) | Sylvain Sauvage (illustrateur éditeur)
Les Liaisons dangereuses ou Lettres recueillies dans une société et publiée pour l'instruction de quelques autres. Avec des figures de S. Sauvage gravées sur cuivre avec la collaboration de D. A. Maillart.
Chez Sylvain Sauvage, Paris, 1930
2 volumes in-folio (33,5 x 25,5 cm), en feuilles, 211 et 218-(1) pages. Avec 50 compositions en couleurs par Sylvain Sauvage. Couvertures imprimées en noir et rose (premier plat). Les volumes sont encore conservés sous leur papier cristal de l'époque (sans emboîtage). Les suites et le dessin original sont conservées sous chemise de papier beigne. Exemplaire à l'état de neuf.
Tirage unique à 175 exemplaires seulement.
Celui-ci, un des 40 exemplaires de tête sur papier de Montval avec une suite complète des 50 eaux-fortes tirées en noir avec remarques et un dessin original en couleurs signé.
Achevé d'imprimer par Pierre Bouchet pour le texte et par Paul Haasen pour les gravures, le 29e jour de septembre 1930.
Ce serait trop peu dire que dire que ce livre est une merveille. Un texte extraordinaire imagé par l'un des plus grands illustrateurs de la période Art Déco donnent un résultat à la mesure du mariage du sublime et du beau.
"Bible du libertinage pour certains, le livre s'impose surtout comme chef-d’œuvre du roman d'analyse, comme un des romans les plus abstraits et les plus intelligents. Aussi l'audace des Liaisons Dangereuses ne consiste-t-elle ni dans la débauche facile au langage cru, ni dans la perversité au premier degré ou la jouissance de faire le mal propre à Sade, mais dans l'art de dire ou plutôt de l'écrire pour un connaisseur admiratif et un peu vexé, placé en position de voyeur comme le lecteur" (Laurent Versini, BnF, En français dans le texte , n° 174).
Ce roman épistolaire retrace les aventures amoureuses de la marquise de Merteuil et de son ancien amant, le vicomte de Valmont. La marquise, voulant se venger d’un amant infidèle alors promis à la fille d’une cousine, Cécile de Volanges, fait en sorte que le Vicomte déshonore cette dernière avant le mariage. Ce que le Vicomte accomplit, alors même qu’il tente de séduire une femme reconnue pour sa vertu : la présidente de Tourvel. Celle-ci tente de rester fidèle à son époux mais le Vicomte parvient à la piéger pour la faire mourir d’amour. Cécile de Volanges, quant à elle, est amoureuse du chevalier Danceny, son maître de solfège. Mais, la marquise de Merteuil le prend pour amant, par toutes sortes d'intrigues. Elle provoque ainsi un duel entre le Vicomte de Valmont, qui cherche à retrouver ses faveurs - déstabilisé par ses mésaventures dues à Cécile de Volanges et Tourvel, et le jeune chevalier Danceny, qui parviendra à tuer le Vicomte, tourmenté de regrets d’avoir condamné la présidente de Tourvel. Il remet alors au chevalier toute la correspondance qu’il a tenue avec la marquise de Merteuil afin que celle-ci soit révélée non comme une femme des plus vertueuses de tout Paris, ainsi qu'elle le laissait croire, mais comme une dangereuse intrigante.
"[...] Je suis sûr que vous admireriez ma prudence. Je n’ai pas encore prononcé le mot d’amour ; mais déjà nous en sommes à ceux de confiance et d’intérêt. Pour la tromper le moins possible, & surtout pour prévenir l’effet des propos qui pourraient lui revenir, je lui ai raconté moi-même, & comme en m’accusant, quelques-uns de mes traits les plus connus. Vous ririez de voir avec quelle candeur elle me prêche. Elle veut, dit-elle, me convertir. Elle ne se doute pas encore de ce qu’il lui en coûtera pour le tenter. Elle est loin de penser qu’en plaidant, pour parler comme elle, pour les infortunées que j’ai perdues, elle parle d’avance dans sa propre cause. Cette idée me vint hier au milieu d’un de ses sermons, & je ne pus me refuser au plaisir de l’interrompre, pour l’assurer qu’elle parlait comme un prophète. Adieu, ma très belle amie. Vous voyez que je ne suis pas perdu sans ressource. [...]" (Lettre VI.
Le vicomte de Valmont à la marquise de Merteuil)
"[...] Je n’ai pas la vanité qu’on reproche à mon sexe ; j’ai encore moins cette fausse modestie qui n’est qu’un raffinement de l’orgueil : & c’est de bien bonne foi que je vous dis ici, que je me connais bien peu de moyens de plaire : je les aurais tous, que je ne les croirais pas suffisants pour vous fixer. Vous demander de ne plus vous occuper de moi, ce n’est donc que vous prier de faire aujourd’hui ce que déjà vous aviez fait, & ce qu’à coup sûr vous feriez encore dans peu de temps, quand même je vous demanderais le contraire. [...] (Lettre L.
La présidente de Tourvel au vicomte de Valmont)
"[...] Vous me défendez, madame, de vous parler de mon amour ; mais où trouver le courage nécessaire pour vous obéir ? Uniquement occupé d’un sentiment qui devrait être si doux, & que vous rendez si cruel ; languissant dans l’exil où vous m’avez condamné ; ne vivant que de privations & de regrets ; en proie à des tourments d’autant plus douloureux, qu’ils me rappellent sans cesse votre indifférence ; me faudra-t-il encore perdre la seule consolation qui me reste ? & puis-je en avoir d’autre, que de vous ouvrir quelquefois une âme que vous remplissez de trouble & d’amertume ? Détournerez-vous vos regards, pour ne pas voir les pleurs que vous faites répandre ? Et refuserez-vous jusqu’à l’hommage des sacrifices que vous exigez ? Ne serait-il donc pas plus digne de vous, de votre âme honnête & douce, de plaindre un malheureux, qui ne l’est que par vous, que de vouloir encore aggraver ses peines, par une défense à la fois injuste & rigoureuse ?
Vous feignez de craindre l’amour, & vous ne voulez pas voir que vous seule causez les maux que vous lui reprochez. Ah ! sans doute, ce sentiment est pénible, quand l’objet qui l’inspire ne le partage point ; mais où trouver le bonheur, si un amour réciproque ne le procure pas ? L’amitié tendre, la douce confiance & la seule qui soit sans réserve, les peines adoucies, les plaisirs augmentés, l’espoir enchanteur, les souvenirs délicieux, où les trouver ailleurs que dans l’amour ? Vous le calomniez, vous qui, pour jouir de tous les biens qu’il vous offre, n’avez qu’à ne plus vous y refuser ; & moi j’oublie les peines que j’éprouve, pour m’occuper à le défendre.[...]" (Lettre LII.
Le vicomte de Valmont à la présidente de Tourvel)