mardi 22 juillet 2025

Marcel SCHWOB (auteur) | Goerge DE FEURE (illustrateur) | Octave Uzanne (éditeur) La Porte des Rêves. Par Marcel Schwob, illustrations de George de Feure. Paris, Pour les Bibliophiles Indépendants, chez Henry Floury, libraire, 1899. 1 volume in-4 relié à l'époque en maroquin par Durvand. Tirage à 220 exemplaires. Un des très rares exemplaires à avoir été aquarellés à la main au pinceau par l'artiste lui-même. Un ouvrage somptueux chef d'œuvre de l'Art Nouveau et du Symbolisme mêlés au service des arts du livre de bibliophilie. Rareté absolue en coloris d'époque.



Marcel SCHWOB (auteur) | Goerge DE FEURE (illustrateur) | Octave Uzanne (éditeur)

La Porte des Rêves. Par Marcel Schwob, illustrations de George de Feure.

Paris, Pour les Bibliophiles Indépendants, chez Henry Floury, libraire, 1899 [exécuté sous la direction artistique de Octave Uzanne  pour le Bibliophiles Indépendants, achevé d'imprimer par les soins de la maison A. Lahure, à Paris, le seize novembre 1898]

1 volume in-4 (29 x 22,5 cm) de (10)-134-(2) et 1 feuillet de prospectus. On a dans l'ordre d'apparition dans ce volume : 1 feuillet de justification du tirage (imprimé au verso seulement) ; 1 feuillet avec le tripti-frontispice en couleurs contrecollé (voir détail ci-dessous) ; 1 feuillet de titre ; 1 feuillet de dédicace imprimée "à Samuel Pozzi" (rédigé par Marcel Schwob et signé en fac similé) ; 1 feuillet de titre composé par George de Feure ; les contes illustrés chacun d'une composition de George de Feure, sauf La Cité dormante qui n'en n'a pas et Le Papier Rouge qui en a deux, soit 15 planches hors-texte et 1 titre. Avec 32 encadrements variés tirés en différents tons, 15 cul-de-lampes par le même artiste (tirés en noir ou or). Notre exemplaire est amputé de la planche pour le conte Arachné (censure intervenue après la reliure) ainsi que du volet gauche du triptyque (également censuré et coupé net). On trouve relié à la fin du volume le feuillet d'annonce pour les ouvrages des Bibliophiles indépendants publiés chez H. Floury.



Reliure de l'époque demi maroquin vert sombre (signée DURVAND), dos lisse orné de petites fleurettes mosaïquées de maroquin rouge, titre et millésime dorés, tête dorée, non rogné. Les deux plats de couverture illustrés par George de Feure ont été conservés en très bon état. Reliure bien conservée malgré deux coins usés (coins inférieurs) et la charnière intérieur du premier plat qui est fendue (la reliure reste solide). Intérieur frais. Une grosse rousseur diffuse sur le titre composé par George de Feure (à gauche). Quelques légères salissures et rousseurs (derniers feuillets dont le feuillet d'annonces). Exemplaire amputé après reliure de la planche d'Arachné (coupée en marge intérieure sans aucun doute par un puritain qui n'a pas accepté cette femme araignée nue) et du volet gauche du triptifrontispice (coupé également sans aucun doute par le même puritain, cette partie montrant également une femme nue en majesté). La reliure mérite quelques restaurations (coins, charnière intérieure).



Tirage à 220 exemplaires tous sur Japon dont 20 pour l'auteur et les collaborateurs.

Notre exemplaire porte le n°58 mais ne porte aucun nom de souscripteur.

Un des très rares exemplaires à avoir été aquarellés à la main au pinceau par l'artiste lui-même.

D'après nos recherches George de Feure aurait aquarellé une poignée d'exemplaires (sans doute moins d'une vingtaine). Dans notre exemplaire tous les bois gravés hors-texte ont été délicatement mis en couleurs par l'artiste (les 14 planches + le titre frontispice).




















La Porte des rêves offre quinze contes fantastiques et parfois morbides de Marcel Schwob, sélectionnés dans les deux recueils parus en 1891 et 1892 : Cœur double et Le Roi au masque d’or par l’éditeur et directeur artistique de l'ouvrage, Octave Uzanne, fondateur des Bibliophiles indépendants (ex Bibliophiles Contemporains).

Du Voyage d’Urien d’André Gide en 1893 à cette Porte des Rêves six ans plus tard, l’esthétique du livre a été bouleversée en France, traduisant en images la révolution littéraire et artistique des années symbolistes. La Porte des rêves dont le peintre Georges de Feure (1869-1928) assuma l’illustration comme la mise en page, est une des plus grandes réussites de l’Art Nouveau. L’illustrateur “had already attained fame through his poster designs […], but his supreme mastery of the supple line and floral motifs of Art Nouveau decoration is best exampled in this book” (Gordon N. Ray). Cette Porte ouverte sur les rêves parut exactement un an avant Die Traumdeutung, le livre fondateur de Sigmund Freud.

Georges Joseph Van Sluÿters, parfois orthographié Sluijters, voit le jour à Paris en 1868. Son père, d’origine néerlandaise, est architecte, tandis que sa mère est belge. Fuyant la guerre franco-prussienne de 1870, la famille choisit de s’installer aux Pays-Bas. Le jeune Georges grandit dans un environnement cultivé et prospère. Il effectue sa scolarité au pensionnat Sint-Joseph de Hilversum, en Hollande du Nord. Toutefois, en 1881, son père, Jan Hendrik Van Sluÿters, subit de lourdes pertes financières à la suite de placements malheureux. Malgré cette déchéance, Georges poursuit ses études jusqu’en 1883, année où il rejoint sa famille à Amsterdam. L’année suivante, son frère Léon et sa sœur Anne partent pour les Indes néerlandaises, tandis que sa mère et ses autres sœurs s’installent à Bruxelles. À cette période difficile, il semblerait que Georges, futur artiste connu sous le nom de Georges de Feure, ait dû multiplier les emplois pour soutenir sa famille, jouant notamment de petits rôles sur scène et travaillant comme accessoiriste. En 1886, il entre à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Amsterdam (Rijksakademie voor Beeldende Kunsten), mais il n’y reste pas et préfère se rendre à Paris, puis à Bruxelles. Trois ans plus tard, en 1889, l’ensemble de la famille s’installe à Paris, y compris le père resté jusque-là à Amsterdam. À Paris, Georges s’intègre rapidement au monde artistique. Il fréquente les lieux emblématiques de la vie montmartroise, comme le Chat Noir, le Rat Mort, le 4Z’Arts ou encore l’Âne Rouge. Il mène une existence bohème sur la Butte Montmartre et partage sa vie avec Pauline Domec, avec qui il a deux enfants, dont l’un décède prématurément. Dès le début des années 1890, son talent se fait remarquer. Il publie des caricatures dans la presse, réalise des aquarelles empreintes de symbolisme et reçoit ses premières commandes d’affiches. C’est à cette époque que la figure de la femme fatale commence à dominer son œuvre. Durant la décennie 1890-1900, de Feure s’illustre particulièrement dans la lithographie et l’art de l’affiche, influencé par le célèbre affichiste Jules Chéret (1836–1932). Il se consacre aussi à l’illustration de livres, notamment La Porte des Rêves de Marcel Schwob, paru en 1899. Au début du XXe siècle, Georges de Feure s’impose comme l’un des représentants majeurs de l’Art nouveau. Il touche à de nombreux domaines artistiques, de l’illustration à l’architecture d’intérieur. Entre 1910 et 1920, il revient à ses premières amours, le théâtre, et conçoit décors et costumes aux côtés d’Henri-Gabriel Ibels (1867-1936), un ancien membre du mouvement nabi. Dans les années 1920, il se consacre presque exclusivement à la décoration intérieure, domaine dans lequel il rencontre un franc succès. La célèbre couturière Madeleine Vionnet (1876-1975) lui confie notamment la décoration de son hôtel particulier ainsi que de sa maison de couture. Toutefois, à partir des années 1930, sa renommée décline et ses finances se détériorent. Georges de Feure s’éteint à Paris en novembre 1943, en pleine Occupation. Il repose au cimetière des Batignolles.

"Mon cher Docteur. Les Anciens croyaient que deux portes s’ouvrent sur le royaume noir de l’Erèbe ; l’une, légère, laisse s’envoler parmi nous les songes ailés ; l’autre, massive, se referme sur ceux qui l’ont franchie, pour toujours. J’étais descendu jusqu’au seuil de la porte inexorable. Vous m’avez saisi de votre main "qui guérit tout ce qu’elle touche" et vous m’avez ramené vers le soleil. Grâce à vous, j’ai pu encore rêver ces rêves. Qu’ils vous soient donnés comme un faible témoignage de ma reconnaissance éternelle. Votre ami. Marcel Schwob" (dédicace imprimée au Docteur Samuel Pozzi).

Références : Millman, Georges de Feure, p. 118 : “La Porte des rêves marque la synthèse équilibrée de l’évocation symboliste et de l’ornementation Art nouveau.”- Ray, The Art of the French Illustrated Book, 367 : “A typical book of the decadence containing fifteen fantastic and morbid stories by Marcel Schwob.”- The Turn of a Century 1885-1910, nº 68 : “G. de Feure worked as a painter and furniture designer […]. Up to 1900 his form language derived from plant forms and flowers, evident in these decorative borders, which he here endeavors to imbue less with pretty images than with sombre, mysterious grotesques linking organic and animal forms.” ; La Porte des rêves : un exemple charmant de bibliophilie fin de siècle, par Agnès Lhermitte p. 337-349 (in Le Charme de l’Antiquité à nos jours, 2021) ; En 2013 un somptueux exemplaire relié en maroquin mosaïqué par Charles Meunier pour le bibliophile François Raisin, avec les hors-texte en noir mais agrémenté de 6 aquarelles originales de Georges de Feure, a été adjugé 35 000 euros (vente R. et B.L., Paris, Giquello, 20 mars 2013, n°12). Nous n'avons trouvé qu'un seul autre exemplaire colorié par l'artiste (les bordures étaient coloriées également), il s'agissait de l'exemplaire imprimé pour E. Massicot.
















Bien que notre exemplaire soit amputé d'une gravure sur bois (Arachné) et du volet gauche du triptifrontispice, il reste l'un des très rares exemplaires aquarellés par l'artiste, et relié à l'époque.

Un ouvrage somptueux chef d'œuvre de l'Art Nouveau et du Symbolisme mêlés au service des arts du livre de bibliophilie.

Rareté absolue en coloris d'époque.

Occasion unique d'acquérir un exemplaire en colorié par cet artiste emblématique de l'Art Nouveau.

Prix : 6.500 euros