lundi 22 septembre 2025

[Ursulines – Nouvelle-France (Canada | Québec)] [Par le Révérend Père Charlevoix] [GUYART ou GUYARD, Marie, dite Marie de l’Incarnation] La vie de la mère Marie de l'Incarnation, institutrice et première supérieure des Ursulines de la Nouvelle France. A Paris, chez Ant. Claude Briasson, 1724 1 volume petit in-8 relié à l'époque. Très bon exemplaire.


[Ursulines – Nouvelle-France (Canada | Québec)] [Par le Révérend Père Charlevoix]

[GUYART ou GUYARD, Marie, dite Marie de l’Incarnation]

La vie de la mère Marie de l'Incarnation, institutrice et première supérieure des Ursulines de la Nouvelle France.

A Paris, chez Ant. Claude Briasson, 1724

1 volume petit in-8 (17,3 x 11,5 cm) de XXXX-412-(4) pages.

Reliure de l'époque plein veau brun marbré, dos à nerfs orné aux petits fers dorés, pièce de titre de maroquin rouge, tranches rouges, doublures et gardes de papier marbré. Reliure bien conservée, solide et décorative. A noter un coin rongé et un autre légèrement usé. Intérieur frais. Il y a parfois un portrait de Marie Guyart en frontispice mais il n'a pas été relié dans notre exemplaire.



Edition originale.

Marie Guyart, future Marie de l'Incarnation, naît le 28 octobre 1599 à Tours, en France, dans une famille de la petite bourgeoisie catholique. Ses parents, Florent Guyart, maître-boulanger, et Jeanne Michelet, lui inculquent des valeurs religieuses fortes. Très tôt, Marie se montre d’une vive intelligence et manifeste une profonde inclination pour la prière et la contemplation. À l’âge de 7 ans, elle a une première expérience spirituelle marquante, où elle ressent la présence divine et souhaite consacrer sa vie à Dieu.

En 1617, elle se marie à Claude Martin, un artisan et commerçant spécialisé dans la soie. Le couple vit confortablement, mais leur bonheur est de courte durée : Claude meurt en 1619, laissant Marie veuve à 19 ans avec un fils de six mois, Claude. Dévastée mais déterminée, elle assume seule la gestion de la maison et de l’entreprise familiale.

Malgré son rôle de mère et de gestionnaire, Marie ressent un appel croissant à la vie religieuse. En 1620, elle fait une expérience mystique intense, où elle se sent plongée dans le sang du Christ, qu’elle interprète comme une purification spirituelle. Cet événement transforme sa vie et marque ce qu’elle appelle sa "conversion". Pendant les années suivantes, elle pratique des vœux personnels de pauvreté, chasteté et obéissance, tout en continuant à élever son fils et à aider sa sœur et son beau-frère dans leur entreprise de transport maritime.

Reconnaissant ses talents exceptionnels pour les affaires, son beau-frère lui confie la gestion de son entreprise. Marie se distingue par son efficacité et son éthique, mais son désir de rejoindre un cloître devient irrésistible. Elle décide de renoncer à sa vie séculière, malgré l’attachement profond qu’elle éprouve pour son fils.

En 1631, à 32 ans, Marie entre au noviciat des Ursulines de Tours. Elle quitte son père et confie son fils à sa sœur. Cette séparation est une épreuve déchirante pour elle, mais elle croit fermement répondre à l’appel divin. Son fils, bouleversé, tente de l’empêcher de partir, mais Marie reste fidèle à sa vocation.

En 1633, elle prononce ses vœux et devient sœur Marie de l’Incarnation. Elle se consacre à l’enseignement et à la prière, tout en développant une vie mystique intense, marquée par des visions et des expériences spirituelles.

En 1639, à la suite de visions où Dieu lui montre un vaste pays qu’elle identifie comme le Canada, elle accepte un projet missionnaire proposé par Madame de la Peltrie, une riche veuve désireuse de financer une mission en Nouvelle-France. Avec deux autres Ursulines et quelques Hospitalières, Marie de l’Incarnation quitte la France en mai 1639 pour traverser l’Atlantique. Elles arrivent à Québec le 1er août 1639.

Marie de l’Incarnation fonde immédiatement un couvent, dédié à l’éducation des jeunes filles autochtones et françaises. Elle se consacre à leur formation spirituelle, intellectuelle et pratique, dans un esprit de respect et de dialogue interculturel. Le couvent devient rapidement un centre éducatif majeur en Nouvelle-France. Elle apprend les langues autochtones pour mieux communiquer avec les jeunes filles qu’elle éduque. Elle maîtrise le huron-wendat, l’algonquin et le montagnais. Ses lettres témoignent de son désir de comprendre les cultures autochtones et de transmettre les enseignements chrétiens sans les imposer brutalement. Elle rédige également des catéchismes et des dictionnaires dans ces langues, contribuant à leur documentation et à leur préservation. C'est une femme de lettres prolifique. Sa correspondance avec son fils Claude, devenu moine bénédictin, offre un témoignage unique sur sa vie en Nouvelle-France. Ses lettres décrivent les défis de la mission, les relations avec les autorités coloniales et les peuples autochtones, ainsi que sa vie intérieure mystique. En plus de ses lettres, elle rédige un récit autobiographique à la demande de son fils, où elle raconte ses expériences spirituelles et son parcours religieux. Ce texte est aujourd’hui considéré comme une œuvre majeure de la spiritualité chrétienne du XVIIe siècle. Marie de l’Incarnation continue de diriger le couvent des Ursulines jusqu’en 1670, lorsqu’elle se retire de ses fonctions en raison de sa santé déclinante. Elle meurt le 30 avril 1672 à Québec, entourée des sœurs du couvent. Sa dépouille repose dans le cimetière des Ursulines de Québec.

Marie de l’Incarnation est reconnue comme l’une des figures fondatrices de l’Église catholique en Amérique du Nord. Son engagement envers l’éducation, son respect des cultures autochtones et sa vie mystique ont laissé une empreinte durable. En 1980, elle est proclamée bienheureuse par le pape Jean-Paul II, et en 2014, le pape François la canonise, la déclarant sainte. Elle est aujourd’hui vénérée comme la "Mère de l’Église catholique au Canada".










Pierre-François-Xavier de Charlevoix, né le 29 octobre 1682 à Saint-Quentin dans l’Aisne au sein d’une famille de petite noblesse, fut prêtre jésuite, professeur et historien, auteur de plusieurs ouvrages consacrés au Nouveau Monde, dont la célèbre Histoire et description générale de la Nouvelle-France. De retour en Europe après un long voyage, il publia en 1724, par reconnaissance d’avoir survécu à ce périple, La Vie de la Mère Marie de l’Incarnation, une hagiographie rédigée à l’intention d’un public dévot et dédiée à Louise-Élisabeth d’Orléans, fille du Régent et reine consort d’Espagne. Ce récit, largement inspiré de la biographie de dom Claude Martin, fils de Marie de l’Incarnation, fut rédigé et publié avec une certaine rapidité : son manuscrit, terminé moins d’un an après son retour, reçut l’approbation du censeur ecclésiastique dès novembre 1723. Plus tard, en 1730-1731, Charlevoix fit paraître en deux volumes une Histoire de l’Isle espagnole ou Saint-Domingue, essentiellement composée à partir des mémoires du père jésuite Jean-Baptiste Le Pers, qu’il avait retravaillés. Il mourut le 1er février 1761 au collège jésuite de La Flèche, près du Mans.

"Enfin le 4 mai 1639, le vent étant bon, on appareilla de grand matin. [...]. Notre voyage dura trois mois [...]. Enfin nous arrivâmes à Quebek le premier jour d'Août 1639 [...]. L'allegresse fut grande dans la ville : car outre le plaisir que causait notre venue, celle de missionnaires, n'apportait pas une moindre joie à toute la colonie. M. de Montmagny, Gouverneur de Quebek, qui avoit eu la bonté d’envoyer au-devant de nous un Canot chargé de rafraîchissements, nous reçut sur la grève avec tout l’accueil possible ; & dès que nous parûmes, les ouvrages cesserent, & on ferma les boutiques. La premiere chose que nous fîmes au sortir du vaisseau, fut de baiser cette terre en laquelle nous étions venues pour y consommer nos vies au service de Dieu & de nos pauvres Sauvages. On nous conduisit à l’Eglise où le Te Deum fut chanté : ensuite M. le Gouverneur nous mena au Fort, où il nous regala splendidement. Après le repas, lui-même, accompagné de tous les Jésuites qui étoient pour lors à Quebek, nous conduisit aux lieux destinez pour notre demeure. Le lendemain, le nouveau Superieur des Missions, & le Pere le Jeune, qui sortoit de charge, nous menerent aux plus proches cabanes pour visiter les Sauvages nos très-chers freres. Nous y reçûmes des consolations bien grandes, en les entendant chanter en leur langue les loüanges de Dieu. Le premier Chrétien nous donna sa fille, & en peu de jours nous en eûmes un assez grand nombre, outre toutes les filles Françoises qui étoient capables d’instruction. En attendant qu’on nous eût bâti un Monastère, on nous logea dans une maison où il n’y avoit que deux petites chambres. Bien-tôt ce fut un Hôpital, la petite verole s’étant mise parmi nos petites Sauvages, dont trois ou quatre moururent. Comme nous n’avions pas encore de meubles, les lits étoient sur le plancher, & tout étoit si plein, qu’il nous falloit passer par dessus les lits. Dans cette extrême indigence, Dieu inspira un si grand courage à mes Sœurs, qu’elles n’eurent aucun dégoût de la saleté des Sauvages. Madame notre Fondatrice voulut tenir le premier rang dans les pratiques de charité dont nous avions de si belles occasions à chaque instant : & quoi qu’elle fût d’une complexion fort délicate, elle s’employoit avec un zèle merveilleux dans les offices les plus humbles & les plus rebutans. O que c’est une chose précieuse que d’avoir les prémices de l’esprit, sur tout lorsqu’il inspire le zèle du salut des ames ! Cependant pour satisfaire au dessein qui nous avoit fait venir en ce pays, il nous fallut apprendre les langues des Sauvages, & le Pere le Jeune, qui avoit été nommé notre confesseur, fut encore chargé de nous aider dans cette étude. C’étoit quelque chose de bien nouveau pour nous ; & quant à moi, l’application à une langue si différente de la nôtre, me causa bien de la douleur de tête. Il me sembloit qu’aprenant par cœur des mots & des verbes ; car nous étudiions par règle & par methode, c’étoit autant de pierres qui me rouloient dans la tête. Cette douleur, jointe aux réflexions que je faisois sur la rudesse & sur la difficulté d’une langue barbare, me faisoit croire qu’humanitément je n’y pouvois réussir, & j’en traitois amoureusement avec Nôtre-Seigneur qui m’aida de telle sorte, qu’en très-peu de tems je fus en état d’entendre & de parler avec assez de facilité. Mon étude m’étoit une oraison qui faisoit évanouïr toute la barbarie de cette langue.​ La servante de Dieu ajoute, qu’à son arrivée dans le pays, & après qu’elle eut bien examiné toutes choses, elle connut clairement que c’étoit celui que Nôtre-Seigneur lui avoit fait voir six ans auparavant. Que ces hautes montagnes, ces vastes forêts, ces pays immenses, la situation & la forme des lieux qui se présentoient à sa vûe, étoient les mêmes qui lui avoient été montrez, & qui étoient encore aussi présents à son esprit, qu’à l’heure même de son songe. Que cela lui donna une nouvelle ferveur & une pente à s’abandonner sans reserve pour tout souffrir, & pour faire tout ce que Nôtre-Seigneur voudroit d’elle dans ce nouvel établissement. Il faut pourtant avouer que quelque ferveur qui soutint le zèle des servantes de Dieu, leur petit nombre, l’incommodité du logement, la saleté & la mauvaise odeur des Sauvages, qui passent tout ce qu’on en peut dire, & le peu de moyens qu’elles avoient de se garentir de tant d’incommoditez, les auroient bientôt fait succomber si on n’eût travaillé en diligence à le mettre plus au large, & si il ne leur fut venu du secours de France. [...]" (extrait du Livre IV).







Très bon exemplaire de ce livre peu commun.

Prix : 500 euros