[Baron Paul Thiry d'Holbach]
La Morale Universelle, ou les Devoirs de l'Homme fondés sur sa nature. Tome premier : Théorie de la morale. Tome second : Pratique de la morale. Tome troisième : Des devoirs de la vie privée.
A Paris, chez Baillio et Colas, imprimeurs et chez Denis, l'an IV de la République Française (23 septembre 1795 - 21 septembre 1796)
3 volumes in-8 (21,7 x 14,2 cm) de (4)-XXXIX-(1)-315 ; (4)-274 et (4)-307-(1) pages.
Reliure strictement de l'époque pleine basane granitée caramel, dos lisses ornés aux petits fers dorés, pièces de titre de papier rose-rouge, pièces de tomaisons de papier bleu nuit, double filet fin à froid en encadrement des plats, doublures et gardes de papier blanc, tranches jaunes. Quelques petites marques sans importance sur les plats, sinon superbe exemplaire très frais aux reliures très décoratives. Intérieur frais imprimé sur bon papier vergé. A noter un feuillet du tome second avec manque de papier dans l'angle inférieur et perte de quelques lettres qui n'empêche pas la lecture qui peut être restituée (restauré à l'époque au moment de la reliure).
Nouvelle édition.
Publié anonymement en 1776 à Amsterdam chez Marc-Michel Rey pour la première fois, La Morale Universelle ou les Devoirs de l’Homme fondés sur la Nature du baron d’Holbach est un ample traité en trois volumes qui entend fonder la morale sur la seule raison et sur l’observation de la nature humaine, affranchie de toute autorité religieuse. Fidèle à ses convictions matérialistes, l’auteur y décrit l’homme comme un être sensible et social dont le bonheur dépend de l’intérêt bien compris et de la coopération avec ses semblables. La vertu n’est plus un commandement divin, mais une règle pratique visant à assurer à la fois le bien-être individuel et l’harmonie collective. D’Holbach rejette les dogmes, les superstitions et les promesses d’un au-delà, dénonçant la religion révélée comme un obstacle à la liberté, au progrès et à la justice. Il propose une véritable « science de la morale » reposant sur l’étude des causes naturelles des comportements, l’éducation civique, la solidarité et l’égalité devant la loi, et appelle à des réformes sociales et politiques éclairées. Œuvre majeure des Lumières radicales, cet ouvrage se présente comme un manuel d’émancipation intellectuelle et morale, et demeure un jalon essentiel dans l’histoire de l’éthique séculière et de la pensée laïque moderne. Par la clarté de son style et la vigueur de ses démonstrations, il s’adresse autant aux philosophes qu’aux législateurs, offrant une vision universelle des devoirs de l’homme fondée sur la connaissance de la nature et la recherche raisonnée du bonheur. Sa réédition en 1792 puis sous le Directoire (an IV) témoigne de l’importance et de l’actualité de ses principes au cœur de la Révolution française, où ses appels à la justice, à la laïcité et à l’égalité résonnaient comme un programme moral et politique pour le nouvel ordre républicain.
Bien que largement diffusé et commenté à la fin du XVIIIᵉ siècle, l’ouvrage ne fut officiellement condamné par l’Église catholique qu’en 1837 (décret du 4 juillet 1837), date de son inscription à l’Index Librorum Prohibitorum, signe de la persistance, plusieurs décennies après sa parution, de son influence jugée dangereuse pour l’ordre religieux établi. La plupart des autres ouvrages philosophiques du Baron d'Holbach furent également condamnés et ce dès 1770.
« Si la vertu est l’habitude de contribuer au bien être de la vie sociale, le vice doit être défini, l’habitude de nuire au bonheur de la société ». « Si la vertu mérite l’affection, l’estime, la vénération des hommes, le vice mérite leur haine, leur mépris, leurs châtiments ». (extraits)
« Gouverner les hommes, c'est avoir le droit d'employer les forces remises par la Société dans les mains d'une ou de plusieurs personnes pour obliger tous ses membres à se conformer aux devoirs de la Morale. Ces devoirs, comme nous l'avons prouvé ci-devant, sont contenus dans le pacte social par lequel chacun des associés s'engage à être juste, à respecter les droits des autres, à leur prêter les secours dont il est capable, à concourir de toutes ses forces à la conservation du corps, sous la condition qu'en échange de son obéissance et de sa fidélité à remplir ses devoirs, la Société lui accordera protection pour sa personne et pour les biens que son industrie et son travail ont pu légitimement lui procurer.
D'après les principes répandus dans cet ouvrage, il est évident que ce pacte renferme tous les devoirs de la morale, puisqu'il engage chaque citoyen à se conformer aux règles de l'équité, qui est la base de toutes les vertus sociales, et à s'abstenir de tous les crimes ou vices qui sont, comme on a vu, des violations plus ou moins marquées de ce contrat fait pour lier tous les membres de la Société.
MAIS comme les passions des hommes leur font souvent perdre de vue leurs engagements, ou comme leur légèreté leur fait souvent oublier que leur bien-être propre est lié à celui de leurs associés, il fallut dans chaque Société une force toujours subsistante, qui veillât sur tous les membres du corps politique, et qui fût capable de les ramener sans cesse à l'observation des devoirs qu'ils semblent méconnaître. Cette force se nomme Gouvernement ; l'on peut le définir, la force de la Société destinée à obliger ses membres à remplir les engagements du pacte social. C'est par le moyen des lois que le Gouvernement exprime la volonté générale, et prescrit aux citoyens les règles qu'ils doivent suivre pour la conservation, la tranquillité, l'harmonie de la Société.
L'autorité du Gouvernement est juste, parce qu'elle a pour objet de procurer à tous les membres de la Société des avantages que leurs désirs inconsidérés, leurs intérêts mal entendus et discordants, leur inexpérience et leur faiblesse les empêcheraient d'obtenir par eux-mêmes. Si tous les hommes étaient éclairés ou raisonnables, ils n'auraient aucun besoin d'être gouvernés ; mais comme ils ignorent, ou semblent méconnaître à la fois le but qu'ils doivent se proposer et les moyens d'y parvenir, il faut que le Gouvernement, en leur présentant la raison publique exprimée par la loi, les remette dans la voie dont ils pourraient s'écarter ». (extrait)
Dans cette édition de l'an IV on trouve à la fin du troisième volume une intéressante note de l'éditeur pose cet ouvrage dans le contexte révolutionnaire avec des rapprochements entre les excès des rois Louis XIV et Louis XV et la fin prématurée de Louis XVI.
Paul-Henri Thiry, baron d’Holbach (1723-1789), né en Rhénanie et naturalisé français, fut l’une des figures majeures des Lumières radicales. Érudit polyglotte, chimiste et philosophe matérialiste, il tint à Paris un salon renommé où se retrouvaient Diderot, Grimm, Helvétius, Raynal et d’autres esprits libres. Collaborateur actif de l’Encyclopédie, il rédigea de nombreux articles scientifiques et philosophiques. Auteur prolifique, il publia la plupart de ses ouvrages — notamment Le Système de la nature (1770), Le Bon Sens (1772) et La Morale universelle (1776) — anonymement ou sous pseudonyme, afin d’échapper à la censure et aux persécutions. Dans ces traités, il défend une vision du monde entièrement fondée sur les lois de la nature, rejette toute intervention surnaturelle et prône une morale laïque et rationnelle. Son influence fut considérable dans la diffusion de l’athéisme philosophique et dans l’idée que la société pouvait se réformer par la raison, l’éducation et la science. Ce n’est qu’après sa mort que son rôle d’auteur fut pleinement reconnu et que ses écrits furent publiquement rattachés à son nom, confirmant son statut de figure la plus audacieuse et intransigeante des Lumières.
Bel exemplaire en condition d'époque d'un ouvrage fondamental pour l'histoire des idées dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Prix : 1 250 euros