mardi 8 avril 2025

Baron d'Holbach | Le Système Social ou Principes Naturels de la Morale et de la Politique (1773). Avec un examen de l'influence du Gouvernement sur les Mœurs. Edition originale condamnée, saisie et mise à l'index. Bel exemplaire resté broché et non coupé depuis plus de 250 ans. L'un des monuments des Lumières érigés à la gloire du matérialisme et de l'athéisme.



HOLBACH, Baron d' (Paul Henri Thiry)

SYSTÈME SOCIAL OU PRINCIPES NATURELS DE LA MORALE ET DE LA POLITIQUE. Avec un examen de l'influence du Gouvernement sur les Mœurs.

Londres [Amsterdam], s.n. [Marc-Michel Rey], 1773

3 volumes in-8 brochés (22,3 x 14 cm) de VIII-218-(2), (4)-174-(2) et (4)-166-(2) pages. Couverture muette de papier gris (époque). Exemplaire tel que paru, sorti de l'atelier du brocheur, non rogné, entièrement non coupé (jamais lu). Petits défauts de papier au dos des volumes, grandes marges restées saines, intérieur très frais. Petite mouillure jaunâtre dans la marge supérieure du deuxième volume (sans gravité).




Édition originale.

Voici la liste des différents chapitres : Première partie : Origine des idées morales, des opinions, des vices et des vertus des hommes. De la raison, de la vérité et de son utilité. De la Morale Religieuse. De la Morale des Anciens. Des moralistes Modernes. Principes naturels de la morale. Des devoirs de l'homme ou de l'Obligation Morale. Examen des idées des Moralistes sur la vertu. Du Goût, du Bon, du Beau, de l'Ordre, de l'Harmonie en Morale. Des Vertus Morales. Du Mal Moral, ou des vices des hommes, de leurs crimes, de leurs Défauts, de leurs faiblesses. Origine de l'autorité, des rangs, des distinctions entre les hommes. De l'Estime, de la Conscience, de l'Honneur. Du bonheur. Des passions et de leur influence sur le bonheur de l'homme. Examen des idées des Anciens et des Modernes sur le bonheur de l'homme. De la Vie Sociale. De l'Etat de Nature. De la Vie Sauvage. Seconde partie : Principes Naturels de la Politique. De la Société. Du Pacte Social. Des Loix, de la Souveraineté. Du Gouvernement. Origine des Gouvernements. De leurs formes diverses. De leurs avantages et désavantages De leurs réformes. De la liberté. Du Gouvernement mixte. Des Représentants d'une Nation. De la Liberté de Penser. Influence de la Liberté sur les mœurs. Réflexions sur le Gouvernement Britannique. Des intérêts des Princes, ou de la Politique véritable. Des qualités et des vertus nécessaires au Souverain. Causes de l'abus du pouvoir ou de la corruption des Princes. De la fausse Politique. Du Despotisme. De la Tyrannie. De la Guerre. Du Machiavélisme ou de la Perfidie en Politique. Des effets physiques ou naturels du Despotisme. De la Corruption des Cours. Du Gouvernement Militaire. Troisième partie : De l'influence du Gouvernement sur les mœurs. Ou des Causes et des Remèdes de la Corruption. Des vraies sources du mal moral ou de la corruption des mœurs. Influence du Gouvernement sur les Ministres et les Grands d'un Etat. De la corruption des Loix. De la source des Crimes. Influence du Gouvernement sur le Caractère national et sur les talents de l'Esprit. Du Luxe. De la Richesse d'un Etat. Du Commerce. Du Crédit. Des vices de la Société. De l'Education. Des Femmes. De la Félicité domestique, ou du bonheur dans la vie privée. Remèdes des Calamités ou des Vices Moraux et Politiques. Apologie de la Vérité.








"Il suffirait presque, pour présenter Paul-Henry Thiry, baron d’Holbach (1723-1789) — « le maître d’hôtel de la philosophie », disait Grimm de rappeler que la plupart de ses livres furent condamnés en France par le Parlement et mis à l’index à Rome. Né dans le Palatinat, il vit à Paris, et reçoit chez lui tout ce qui pense alors. Qui est-il ? Wolmar, l’athée vertueux de Rousseau ; mais aussi, selon Voltaire, qui craint pour sa propre royauté intellectuelle, "un diable d’homme inspiré par Belzébuth" ; Frédéric II, prudent, défend contre lui «l’ordre du monde» ; mais Diderot lui sait gré de faire «pleuvoir des brûlots dans la maison du père«. Le baron dérange : il a rompu avec la première génération des Lumières par son athéisme intransigeant et son matérialisme systématique, et sa volonté, partagée par Diderot et la «coterie holbachique», d’une pensée radicalement nouvelle en philosophie, en morale et en politique. C‘est la Nature encore qui doit fonder les règles de la vie en société : non le concept abstrait d’une nature humaine, mais le mécanisme nécessaire des passions, et la balance qui meut les hommes du désir du bien-être à la crainte de la douleur. Le Système social définit une souveraineté qui, issue d’un pacte social et non d’un droit divin, soit l’expression de la volonté générale ; et une morale indépendante de toute religion (naturelle ou positive) produite par la législation : celle-ci, par une juste connaissance des motifs des hommes, doit induire chacun à vouloir aussi le bien d’autrui. L’utilitarisme moral et social rétablit la nature dans ses droits, contre la confédération des prêtres et des rois, lesquels exigent des hommes qu’ils désirent ce qu’il n’est pas dans leur nature de désirer. Le nouveau modèle éthico-politique proposé par d’Holbach a nourri les débats préalables à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; sans doute eut-il une part non négligeable dans cette «révolution horrible» que redoutait Voltaire à la lecture d’un système préconisant le plus grand bonheur pour le plus grand nombre, et le droit des peuples à déposer les tyrans." (Catalogue des Auteurs, décembre 1995. (Christiane Frémont).

"Le Système social tout comme le Système de la nature (publié en 1770) fut d'abord attribué au gazetier Mustel par les contemporains. L'ouvrage fut saisi en juin, et mis à l'index de l'Eglise en août 1775. En 1822 il sera de nouveau interdit par la police et son édition ordonnée de destruction par un jugement du Tribunal correctionnel de Paris (Le Moniteur universel, 15 mars 1823, 26 mars 1825). L'ouvrage connaîtra en français deux rééditions en 1773 (Londres) et une troisième en 1774 (Londres), du vivant de d'Holbach; cette édition porte en sous-titre par l'auteur du Système de la nature. Une édition paraît encore en 1795 (Paris) sous la Révolution, enfin la dernière édition connue remonte à 1822 (Paris)." (Josiane Boulad-Ayoub).








"Les grands, les riches, les hommes puissants sentent très peu les avantages qui résultent de l'union des familles ; elle se trouve plus communément dans la médiocrité : les hommes d'une classe ordinaire sentent bien mieux, que ceux d'un ordre plus élevé, le besoin qu'ils ont les uns des autres ; une heureuse habitude leur montre dans leurs proches des amis, donnés par la nature, dont ils ont intérêt de ne point se priver. L'effet ordinaire du luxe, de l'opulence & de la grandeur, est d'endurcir le cœur. L'homme vain n'a point d'entrailles ; les richesses les plus amples ne peuvent suffire aux dépenses que le faste change en besoins. L'orgueil du riche rougit à la vue de parents pauvres ; la nécessité de représenter ne lui laisse jamais de superflu ; il préfère le futile avantage de briller, au plaisir de tendre une main secourable à ses proches ; il les immole sans pitié à des flatteurs, à des parasites inconnus, à de prétendus amis qui le trompent & le dévorent. On se plaint tous les jours de la rareté des amis véritables. Mais dans une nation composée d'êtres vains, frivoles & vicieux, qui ne se lient que dans la vue du plaisir, qui n'ont besoin que d'approbateurs de leurs dérèglements, qui se font des amis sans se donner la peine de les connaître, qui sont peu susceptibles d'un attachement durable, comment trouverait-on des liaisons solides ? Les grands & les riches ne cherchent qu'à briller ; ils ne sont attachés qu'à leur folle vanité ; ils ne veulent que des complaisants. Des âmes basses, des adulateurs, des admirateurs de leurs goûts. Des hommes de cette trempe les aident à dissiper une fortune, dont ils sont incapables de faire un usage sensé. Les méchants n'ont point d'amis, ils n'ont que des complices. Les insensés n'ont point d'amis, ils n'attachent à leur sort que des fourbes intéressés à profiter de leurs folies. Des hommes incapables d'aimer & de sentir le mérite & la vertu, ne peuvent être entourés que de gens méprisables, qui les méprisent eux-mêmes en profitant de leur sottise. L'amitié véritable ne peut être fondée que sur les talents, le mérite & la vertu. Si les amis sincères sont peu communs dans le monde, c'est qu'il est très peu de gens qui soient dignes d'en avoir, ou qui connaissent le prix de l'amitié véritable. Dans une nation vicieuse, on ne veut que des hommes agréables, légers, amusants. Mais le flatteur hypocrite, l'ami de la fortune, le vil parasite, le compagnon de nos débauches, le convive enjoué, l'homme à la mode sont-ils des êtres capables de nous consoler dans nos peines, de nous aider de leurs conseils, de nous servir utilement dans des circonstances épineuses ? On ne voit si peu d'amis, que parce qu'on a la folie de prostituer le nom sacré de l'amitié à une foule d'hommes, qui n'ont aucunes des qualités nécessaires pour le mériter. Un ami, dans le langage vulgaire, est un homme qu'on voit souvent, & qui n'a quelquefois aucune des qualités que l'on doit estimer." (extrait du Chapitre XI).

"Sous quelque point de vue que l'on envisage les opinions, la conduite, les gouvernements & les mœurs des hommes, dès qu'il en résulte du mal, nous devons en conclure qu'ils se trompent & qu'ils sont les jouets de leurs préjugés. Dans une nation mal gouvernée & corrompue par le luxe & la contagion du vice, tout semble se liguer contre les mœurs, & par conséquent contre la félicité publique & particulière. L'homme, dès qu'il ouvre les yeux, ne se voit entouré que d'exemples qui le détournent du bien & le sollicitent au mal. Il suce, pour ainsi dire, la corruption avec le lait; ses parents, bien loin de développer sa raison, lui enseignent le vice, lui inspirent leurs propres folies, leurs préjugés, leurs goûts déraisonnables. Ses instituteurs religieux ne permettent point à sa raison d'éclore, & ne lui donnent pour se guider que le flambeau lugubre de la superstition, dont la sombre lumière ne fait que l'égarer; ses maîtres injustes lui font sentir que le vice seul lui est utile, & que la vertu ne serait pour lui qu'un sacrifice douloureux. Quel remède opposer à la dépravation générale des Sociétés, que tant de causes puissantes semblent devoir éterniser ? Il n'en est qu'un ; c'est la Vérité. Si l'erreur, comme tout le prouve, est la source commune des malheurs de la terre ; si les hommes ne sont vicieux & méchants que parce qu'ils ont des idées fausses de leur félicité, c'est en combattant l'erreur avec courage & longanimité ; c'est en leur présentant des idées saines ; c'est en leur faisant sentir leurs véritables intérêts, que l'on peut se promettre d'opérer leur guérison. En rendant l'instruction générale, en répandant dans l'esprit du citoyen des principes utiles, en cultivant la raison publique, on affaiblira peu à peu les funestes influences des causes qui corrompent les peuples & les rendent malheureux. On nous répète sans cesse que tout est dit & que l'on ne peut plus rien dire de nouveau : l'on en conclut que rien n'est plus inutile que les préceptes de la morale ou de la philosophie. Cependant, à en juger par la façon dont communément la vérité est accueillie sur la terre, on est forcé de reconnaître qu'elle est toujours pour les hommes de la plus étrange nouveauté. Rien de plus nouveau pour eux, que de les entretenir des objets qui devraient leur paraître les plus intéressants. Rien de plus nouveau pour eux, que les premiers principes de la raison, de la morale, de la politique dont tout semble vouloir leur dérober la connaissance. Rien de plus nouveau qu'une philosophie simple, claire, intelligible pour des êtres accoutumés à croire qu'ils sont faits pour errer dans les ténèbres d'une ignorance perpétuelle. Rien de plus nouveau pour des êtres raisonnables, que de leur dire qu'ils doivent faire usage de leur raison. [...]" (extrait du Chapitre XII, Remèdes, des Calamités ou des Vices Moraux & Politiques. Apologie de la Vérité).







Références : Josiane Boulad-Ayoub, Présentation de la réédition sur l'édition originale de 1773 ; Vercruysse A4 (Première édition).

Bel exemplaire resté broché et non coupé depuis plus de 250 ans !

Ouvrage fondamental pour l'histoire des idées au XVIIIe siècle.

Prix : 1.800 euros