lundi 31 mars 2025

Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]. Le Piéd de Fanchete [Pied de Fanchette] ou le Soulier couleur-de-rose. Première et seconde partie. Imprimé A LA-HAIE, 1776. 2 parties reliées en 1 volume in-12. Reliure plein maroquin de l'époque. Exemplaire Robert S. Turner et Bordes de Fortage. Véritable seconde édition imprimée à 500 exemplaires seulement. Très bel exemplaire relié en maroquin ancien.



Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]

Le Piéd de Fanchete [Pied de Fanchette] ou le Soulier couleur-de-rose. Première et seconde partie.

Imprimé A LA-HAIE, 1776

2 parties reliées en 1 volume in-12 (17,5 x 10,5 cm) de (4)-134 puis paginé de (135) à 290-(2) pages.

Reliure plein maroquin rouge de l'époque. Dos lisse orné aux petits fers dorés, pièce de maroquin citron mosaïquée en pied du dos avec fer à l'oiseau, triple filet doré en encadrement des plats, filet doré sur les coupes, doublures et gardes de papier marbré, tranches dorées, volume titré "OEUVRES DE M. RETIF / TOM. II". (voir plus bas pour les détails sur cette reliure). Reliure en très bel état de conservation (reprise de dorure visible à quelques endroits des triple filets d'encadrement), intérieur frais (quelques feuillets de la première parties uniformément brunis sans gravité).



Véritable seconde édition imprimée à 500 exemplaires seulement.

La première édition du Pied de Fanchette date de 1769. Restif "en fit une seconde édition en 1776, tirée à 500 exemplaires, où est un Epilogue qui manque aux contrefaçons" (Revue des Ouvrages). "La première édition était interlignée, et en trois parties ; mais ma seconde, en deux parties, est plus correcte et plus ample" (Ouvrages, la Vie de mon père, 1788, p. 223). Dans l'Avis de l'auteur de cette édition, Restif écrit qu'il a tâché de corriger les fautes de la première bien qu'il y ait eu déjà trois ou quatre (contrefaçons). Rives Childs signale un exemplaire de cette seconde édition avec deux frontispices qui n'avaient été signalés dans aucune bibliographie. Notre exemplaire possède également deux frontispices gravés sur acier mais il ne s'agit pas de ceux décrits par Rives-Childs. Dans notre exemplaire les deux frontispices sont dessinées par H. F. Füger et gravés par C. G. Geÿser. Le frontispice placé en tête de la première partie montre un homme en train de regarder les souliers d'une dame assise dans un fauteuil. Le deuxième frontispice montre un salon avec des hommes (le sujet semble éloigné de l'histoire du soulieur couleur-de-rose). Ces gravures semblent postérieures à la date d'impression de cette édition (sans doute vers 1785-1790). Quoi qu'il en soit, il ne faut normalement pas de figures pour cette édition de 1776. Le premier ouvrage illustré de Rétif est son Quadragénaire paru en 1777.

Il y eut encore une troisième édition datée de 1786 (en réalité 1798) et enfin une cinquième édition parue en l'an VIII (1800) qui est fort rare et vaut comme édition définitive.

Le nom de Rétif (Rétif de la Bretone) est imprimé au bas de la dédicace (page 4). C'est la seule édition du Pied de Fanchette où figure le nom de Rétif.





Dès la première édition, Rétif n'était pas satisfait de son Pied de Fanchette : « [...] le Pied de Fanchette est un ouvrage manqué, depuis le quatorzième chapitre ; le succès qu'il a eu ici et quatre éditions ne m'en font pas accroire... J'ai fait une seconde édition du Pied de Fanchette, un peu meilleure que la première, en deux volumes, au lieu de trois, mais sans avoir rien retranché ; au contraire, elle commence par un Avertissement d'une page, qui n'est ni dans la première ni dans la seconde édition (sic), ni dans les contrefaçons. » (août 1778).

C'est dans cet ouvrage que, pour la première fois, il fait éclater sa passion fanatique par les jolis pieds de femme et pour les jolies chaussures. Le pied de Fanchette est réellement le héros du livre : « Son pied, le pied mignon, qui fera tourner tant de têtes, était chaussé d'un soulier rose, si bienfait, si digne d'enfermer un si joli pied, que mes yeux, une fois fixés sur ce pied charmant, ne purent s'en détourner ... Beau pied ! dis-je tout bas, tu ne foules pas les tapis de Perse et de Turquie ; un brillant équipage ne te garantit pas de la fatigue de porter un corps, chef-d'oeuvre des Grâces ; tu marches en personne, mais tu vas avoir un trône dans mon coeur. » (cité par Lacroix).









Dans cette seconde édition remaniée, Mme Lévéque n'est pas encore nommée en tête de la dédicace qui lui est adressée. Dans la préface il écrit : « Très-indulgents lecteurs et très aimables lectrices. Ce fut la veille du mariage de Fanchette, que l'éditeur de la véridique Histoire que vous achevez, entrevit cette Belle, chez la marchande de modes, et que son joli pied, chaussé d'un soulier rose à talon vert, fut pour lui la divine Clio : on essayait à la fiancée sa parure pour le lendemain, et celle qui nomma Fanchette était Agathe. La clarté est le premier devoir d'un écrivain ; j'y ai satisfait. Adieu. ».

Cette seconde édition, corrigée, se termine par un Épilogue au Beau Sexe, qu'on ne trouvait pas dans la première. C'est toujours le pied qui est l'objectif : « La beauté de votre pied est à la fois appas, attrait, grâce et charme ; sa souplesse, sa petitesse, son élégance, le mettent au rang de vos appas ; le goût et la propreté dans votre chaussure le placent entre vos traits ; votre marche agréable, votre danse voluptueuse en font une de vos grâces ; l'art avec lequel vous le cachez ou le laissez entrevoir, le rend un de vos charmes, dont il est impossible d'exprimer l'effet. Aussi, une femme auteur l'a-t-elle défini ; l'extrait de la beauté et l'abrégé de vos charmes. ».

Cette passion pour les pieds des femmes et pour bien d'autres choses encore a été l'objet d'une thèse de doctorat intitulée : Le fétichisme : Restif de la Bretonne fut-il fétichiste ? Cette thèse fut présentée et publiquement soutenue devant la Faculté de médecine de Montpellier le 22 février 1913 par Louis Barras. 

Dans quelques passages des ouvrages de Rétif de la Bretonne on prend notre auteur en flagrant délit de masturbation à l'intérieur d'une mule de femme ... "Substitut du corps et du sexe, objet fétiche, topos romanesque permettant à l'intrigue de progresser, point de départ et aboutissement du récit, foyer dé la représentation picturale, marque du symbolique et de l'imaginaire, le pied de Fanchette est le lieu de tous les possibles." (Didier Masseau, in Etudes Françaises, La chaussure ou le pied de Fanchette, Volume 32, numéro 2, automne 1996)








Fils de paysans de l'Yonne, devenu ouvrier typographe à Auxerre et Dijon, Nicolas Restif de La Bretonne s'installe à Paris en 1761 : c'est alors qu'il commence à écrire. Il a une vie personnelle compliquée et est sans doute indicateur de police. Polygraphe, il fait paraître de très nombreux ouvrages touchant à tous les genres, du roman érotique (L'Anti-Justine, ou les Délices de l'amour) au témoignage sur Paris et la Révolution (Les Nuits de Paris ou le Spectateur nocturne, 1788-1794, 8 volumes) en passant par la biographie avec La Vie de mon père (1779) où il brosse un tableau idyllique du monde paysan avant la Révolution avec la figure positive de son père. Il a également touché au théâtre sans grand succès. Cherchant constamment des ressources financières - il mourra d'ailleurs dans la misère -, il écrit aussi de nombreux textes pour réformer la marche du monde. Cependant l'œuvre majeure de Restif de la Bretonne est sa vaste autobiographie, Monsieur Nicolas, en huit volumes échelonnés entre 1794 et 1797. Ce livre fleuve se présente comme la reconstruction d'une existence et expose les tourments de l'auteur/narrateur comme à propos de la paternité - le titre complet est Monsieur Nicolas, ou le Cœur humain dévoilé -, mais témoigne aussi de son temps et constitue une source très abondante de renseignements sur la vie rurale et sur le monde des imprimeurs au XVIIIe siècle. C'est aussi un philosophe réformateur pénétré de rousseauisme qui publie des projets de réforme sur la prostitution, le théâtre, la situation des femmes, les mœurs, et un auteur dramatique.

Provenance : de la bibliothèque Bordes de Fortage (n°3861, troisième vente de 1927) : l'expert de la vente indique par erreur qu'il s'agit d'un remboîtage, mais il n'en n'est rien - il précise par ailleurs que l'exemplaire provient de la vente Turner (cat. n°484). Nous avons vérifié dans ladite vente des livres du bibliophile anglais Robert S. Turner (Paris, Labitte, 1878) et nous y trouvons en effet sous le n°484 un exemplaire relié en maroquin des Œuvres de Rétif en 8 volumes et qui contient bien en guise de tome 2 : Le Pied de Fanchette (notre volume). Cette notice ne fait d'ailleurs aucunement mention d'un remboîtage. Cette série de 8 volumes contenait en tome 1 : La Confidence nécessaire ; tome 2 : Le Pied de Fanchette ; tome 3 : Œuvres choisies de Quevedo ; tome 4 : La Femme dans les trois états ... ; tome 5 et 6 : Le Ménage parisien ; tome 7 et 8 : Les Nouveaux Mémoires d'un homme de qualité. Cette superbe série a donc été démembrée entre 1878 et 1927 (peut-être même avant cette date). Quoi qu'il en soit Bordes de Fortage, vaillant chasseur d'éditions rares des ouvrages de Rétif de la Bretonne, n'a eu en mains que ce tome 2 contenant les 2 parties du Pied de Fanchette. Les autres volumes ont été dispersés entre temps et il serait intéressant d'en rechercher la trace aujourd'hui en 2025 ! ; de la bibliothèque Bertrand Hugonnard-Roche avec son ex libris.

Références : Rives-Childs, n°III, pp. 201-204 ; Lacroix, n°III, pp 85-92

Très bel exemplaire en maroquin de l'époque de cette seconde édition rare car imprimée à seulement 500 exemplaires.

Les ouvrages de Rétif de la Bretonne reliés à l'époque en maroquin sont de la plus grande rareté.

Prix : 4.000 euros

vendredi 28 mars 2025

TOLSTOÏ (Comte Léon) | Les rayons de l'aube (dernières études philosophiques). Traduit du russe par J.-W. Bienstock. Paris, P.-V. Stock, 1901 [de l'imprimerie de A. Pichat à Châtillon-sur-Seine]. Edition originale. Un des 10 exemplaire tirés à part sur papier de Hollande et paraphé par l'éditeur P.-V. Stock. Rarissime et précieux volume.



TOLSTOÏ (Comte Léon) | 
J.-W. Bienstock, traducteur | P.-V. Stock, éditeur

Les rayons de l'aube (dernières études philosophiques). Traduit du russe par J.-W. Bienstock.

Paris, P.-V. Stock, 1901 [de l'imprimerie de A. Pichat à Châtillon-sur-Seine]

1 volume in-18 (19,5 x 13 cm) broché de 414 pages. Exemplaire non coupé, resté broché à toutes marges tel que paru. Les plats de la couverture rouge imprimée sont présents avec quelques minimes défauts (voir photos). La couverture (très fragile) se détache (premier plat). Le dos du volume n'est pas fendu et solide (papier de couverture du dos uniformément passé). Intérieur très frais imprimé sur beau papier de Hollande.

Edition originale.

Un des 10 exemplaire tirés à part sur papier de Hollande.

Exemplaire numéroté 10 à la plume et paraphé par l'éditeur P.-V. Stock.



Cet ouvrage est le n°30 de la Bibliothèque Sociologique publiée par P.-V. Stock. Il regroupe plusieurs textes philosophiques de Léon Tolstoï issus de ses derniers écrits. À cette époque de sa vie, Tolstoï s’éloigne de la littérature de fiction pour se consacrer à une réflexion éthique et religieuse très marquée par le christianisme primitif, l’ascétisme, la non-violence et une critique radicale de l’Église institutionnelle, de l’État, et de la société moderne. Voici la liste des chapitres : I. — Le chrétien et l’État I. — Lettre au directeur d’un journal allemand p. 1 II. — Lettre aux libéraux p. 7 III. — Lettre au directeur d’un journal anglais p. 27 II. — Sur la non résistance au mal par la violence. (Trois lettres) p. 35 III. — Post-face de la brochure « Au secours » p. 67 IV. — Deux guerres p. 77 V. — À propos du Testament Nobel p. 87 VI. — Lettre aux Doukhobors émigrés au Canada p. 95 VII. — Carthago delenda est p. 107 VIII. — Lettre à un sous-officier p. 121 IX. — L’approche de la fin p. 133 X. — À propos de la Conférence de La Haye p. 151 XI. — À propos de la guerre du Transvaal p. 163 XII. — Comment lire l’Évangile p. 169 XIII. — Ce que veut l’amour p. 177 XIV. — Du sens de la vie p. 187 XV. — Du suicide p. 191 XVI. — De l’éducation religieuse p. 195 XVII. — De la tromperie de l’Église p. 203 XVIII. — C’est la honte p. 215 XIX. — Nicolas Palkine p. 225 XX. — À propos de l’assassinat du roi Humbert p. 241 XXI. — Patriotisme et gouvernement p. 253 XXII. — L’esclavage contemporain p. 291 XXIII. (plus de 100 pages)  — Où est l’issue ? p. 393.









La Nouvelle Nicolas Palkine, écrite en 1887, paraît pour la première fois à Genève, dans l'édition de M. Elpidine en 1891 ; elle est traduite en français en 1901 (dans ce volume). Elle paraît pour la première fois en Russie en 1910 dans les Œuvres posthumes. Elle est absente de l'édition soviétique de 1958 en douze volumes. Le récit de Léon Tolstoï s'inspire d'un fait réel. En effet celui-ci avait fait la connaissance d'un paysan nonagénaire qui avait servi pendant vingt-cinq ans sous Alexandre Ier et Nicolas Ier. Le titre Nicolas Palkine est le surnom donné au tsar Nicolas Ier en raison de son caractère autoritaire, palka signifie le bâton en russe.

« […] C’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec vous et ne puis blâmer les armes aveugles de l’ignorance et du mal. Mais je vois la cause du mal dans telles choses, que je puis moi-même aider à le détruire ou à l’augmenter. Contribuer à l’égalité fraternelle des biens ; profiter le moins possible des avantages que le sort m’a alloués ; ne participer aucunement dans l’œuvre militaire ; détruire cet hypnose sous lequel les hommes se transforment en assassins gagés pensant accomplir une bonne œuvre en faisant le service militaire ; et principalement professer la sage doctrine chrétienne en s’efforçant de détruire cette tromperie cruelle de christianisme mensonger, dans lequel, par force, s’élèvent les jeunes générations. Il me semble que cette œuvre triple renferme le devoir de tout homme qui veut contribuer au bien et qui est justement révolté par cette guerre terrible qui vous a vous-même révolté. » (extrait du chapitre intitulé À propos de la guerre du Transvaal).

Un second volume d'études philosophiques parait la même année dans la même Bibliothèque Sociologique (n°31) chez P.-V. Stock sous le titre Paroles d'un homme libre.






À la fin de sa vie, Tolstoï est devenu une figure quasi prophétique en Russie et en Europe, prônant un christianisme libéré de toute autorité ecclésiastique. Les Rayons de l’aube reflète cet idéal spirituel et moral. Ce recueil est un livre de sagesse. Tolstoï traverse une crise existentielle profonde dans les années 1870, après le succès d’Anna Karénine. Il se sent vide, au bord du suicide, et commence une quête de sens. La philosophie que développe alors Tolstoï est radicale, éthique, spiritualiste et profondément anti-institutionnelle. Il ne cherche pas à construire un système abstrait, mais à vivre la vérité dans chaque geste de la vie quotidienne. Il rejette l'état, l'armée, le luxe, la propriété privée, etc. Il prône avant l'heure la désobéissance civile, l'antimilitarisme, etc. Ces idées profondes et fortes de convictions influenceront les penseurs de la non-violence que furent Gandhi et Martin Luther King.

Lire Tolstoï et ses études philosophiques, c’est entrer dans une quête radicale de vérité intérieure, où chaque mot appelle à dépouiller la vie de ses illusions pour ne garder que l’amour, la justice et la simplicité.

Rarissime tirage de luxe sur papier de Hollande paraphé par l'éditeur P.-V. Stock, éditeur engagé des anarchistes, des réformateurs et des révolutionnaires sociaux (Kropotkine, Jean Grave, Elisée Reclus, etc.)

Aucun autre exemplaire sur papier de Hollande n'a pu être répertorié.

Précieux volume non défloré.

Prix : 8 500 euros

jeudi 27 mars 2025

Lettres de Messire Roger de Rabutin comte de Bussy, Lieutenant Général des Armées du Roi, et Mestre de Camp Général de la Cavalerie Française et Etrangère. Avec les réponses. Nouvelle édition, où l'on a inséré les trois volumes de Nouvelles Lettres publiés en 1709 et rangé toutes les lettres selon l'ordre chronologique. Tome premier [cinquième]. A Paris, chez Florentin Delaulne, 1721 [i.e. en Hollande, par Zacharie Chatelain à Amsterdam, libraire-imprimeur]. 5 volumes in-12. Très bon exemplaire en reliure hollandaise de l'époque.



Roger de RABUTIN comte de BUSSY, dit BUSSY-RABUTIN

Lettres de Messire Roger de Rabutin comte de Bussy, Lieutenant Général des Armées du Roi, et Mestre de Camp Général de la Cavalerie Française et Etrangère. Avec les réponses. Nouvelle édition, où l'on a inséré les trois volumes de Nouvelles Lettres publiés en 1709 et rangé toutes les lettres selon l'ordre chronologique. Tome premier [cinquième].

A Paris, chez Florentin Delaulne, 1721 [i.e. en Hollande, par Zacharie Chatelain à Amsterdam, libraire-imprimeur]

5 volumes in-12 (17 x 10,5 cm) de (22)-419, (8)-453, (10)-490, (10)-436 et (8)-432 pages. Portrait gravé de Bussy-Rabutin répété en frontispice des volumes 1, 3 et 4. Titres imprimés en rouge et noir.

Reliures hollandaises plein vélin à coutures apparentes. Salissures et légers frottements aux reliures. Joli titrage à l'encre calligraphié à l'époque aux dos des volumes. Intérieur frais. Collationné complet.



Edition clandestine faussement imprimée sous le nom de Florentin Delaulne à Paris mais donnée en réalité par un imprimeur hollandais d'Amsterdam (Zacharie Chatelain).

Cette édition pirate est peu documentée dans les catalogues de bibliothèques ou les notices de libraires. Elle passe le plus souvent pour l'édition parisienne telle qu'elle s'affiche aux titres. Et pourtant, il suffit de regarder la signature des cahiers et des pages pour se rendre compte rapidement qu'il s'agit d'une impression hollandaise. Le libraire et l'imprimeur ont poussé le vice jusqu'à reproduire la marque du libraire parisien sur les titres. Elle est fort bien imprimée sur bon papier. Nous pensons, d'après les caractères utilisés, qu'il s'agit d'une édition donnée par le libraire d'Amsterdam Zacharie Chatelain, sans qu'il y ait mis son nom. Plus tard, en 1727 notamment, ce libraire hollandais y apposera son nom pour une réédition complète. La typographie et la mise en page sont en effet très semblables. Zacharie Chatelain était libraire et imprimeur. Zacharie Chatelain publia aussi les Mémoires de Bussy-Rabutin (1731).









Dans cette édition hollandaise de 1721 on trouve 340 lettres dans le premier volume ; 344 lettres dans le second volume ; 433 lettres dans le troisième volume ; 354 lettres dans le quatrième volume et 336 lettres dans le cinquième et dernier volume, soit 1807 lettres d'après le découpage qui en a été fait. Si l'on prend l'édition originale de 1697 (4 volumes) et 1709 (3 volumes) dans son intégralité, ce sont 1799 lettres qu'on peut y trouver. Il existe dont une petite différence qui doit s'expliquer par le nouveau classement qui en a été fait en 1710. Cette édition de 1721 est précédée d'un long Avertissement qui explique que ces 5 volumes renferment l'ensemble le plus complet publié alors qui comprennent les lettres des 4 volumes de 1697 et les nouvelles lettres des 3 volumes de 1709. La réimpression s'est faite sur l'édition de Paris 1706 qui était la plus correcte. Toutes les lettres ont été rangées selon l'ordre chronologique et tous les noms des destinataires ont été imprimés en clair. Cet Avertissement est daté du 4 août 1710.

Bussy-Rabutin fut exilé sur ses terres de Bourgogne à Bussy pendant près de dix-sept années à cause de son libertinage, et surtout à cause de son Histoire amoureuse des Gaules, qui circula en manuscrit et imprimée pendant toute la seconde moitié du XVIIᵉ siècle, pour la plus grande fureur de Louis XIV, qui ne lui pardonna jamais d’avoir chansonné les amours du Roi. Ce qu’il y a de plus remarquable, sans aucun doute, dans cette correspondance, c’est qu’on y trouve aussi les réponses des nombreux correspondants du comte, fait rare dans l’édition des correspondances anciennes qui sont parvenues jusqu'à nous. On y retrouve notamment la plus célèbre de ses correspondantes, sa cousine la marquise de Sévigné, Marie de Rabutin-Chantal. On sait que c’est le fils de Roger de Rabutin qui édita en partie, avec le Père Bouhours, la correspondance de Bussy (1697-1709). C’est également le fils de Roger de Rabutin qui communiqua les manuscrits des premières lettres publiées de la marquise de Sévigné, quelques années plus tard.









Très bon exemplaire en reliure hollandaise de l'époque.

Prix : 1.250 euros

mercredi 26 mars 2025

Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]. La Confidence nécessaire. Lettres anglaises. Lettres de Lord Austin de N**, à Lord Humfrey de Dorset son ami. A Francfort, chez Van Durren. Et se trouve à Paris, chez Gaugry, libraire, rue des Mathurins, 1769 [pour le tome I] et A Cambridge [pour le tome II]. 2 parties en 2 volume in-12 brochés, non rognés. Bel exemplaire dans sa très rare condition originelle brochée.


Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne [Restif de la Bretone]

La Confidence nécessaire. Lettres anglaises. Lettres de Lord Austin de N**, à Lord Humfrey de Dorset son ami.


A Francfort, chez Van Durren. Et se trouve à Paris, chez Gaugry; libraire, rue des Mathurins, 1769 [pour le tome I] et A Cambridge [pour le tome II].

2 parties en 2 volumes in-12 brochés (18,3 x 11 cm) de XVI-248 et 215 pages. Titres imprimés en noir dans un encadrement typographique. Collationné complet. Les deux faux titres sont bien présents. Couverture muette de papier vergé ancien (brochure ancienne). Exemplaire non rogné. Couvertures et intérieurs frais.


Edition originale.

Ce sont les faux titre qui portent le titre sous lequel cet ouvrage est connu : La Confidence nécessaire. Le tirage en a été de 1500 exemplaires selon la Revue des ouvrages de l'auteur (1784). Il y a des exemplaires avec une adresse différente pour la première partie (A Cambridge, et se trouve à Londres, chez Nourse & Snelling, 1769). La seconde partie de notre exemplaire porte l'adresse de Cambridge (sans autre indication) comme il se doit.






Ce roman par lettres, comme l'écrit Paul Lacroix, est dédié à miss Betty F**, jeune irlandaise, qui en aurait fourni les éléments, en racontant les aventures d'une de ses parents et en permettant à Restif de les publier, seulement après qu'elle fut retournée dans son île. Restif dit, dans une note de Monsieur Nicolas, tome IX (p. 2663), que la Confidence nécessaire fut sa première histoire déguisée. "Le sujet, dit-il ailleurs, tome XVI (p. 4553), était mes amours avec Marie Fouard, et mes velléités pour Marguerite Bourdillat, l'une brune, l'autre blonde. C'était l'extrait honnête d'un sottisier, que j'avais composé au Louvre (c'est à dire à l'imprimerie du Louvre, où il fut compositeur), dans mes moments d'effervescence. Ce n'est pas un historique de ce que j'avais fait avec ces deux filles ou avec Marie-Jeanne, qui souvent y était Alice, dans mes idées, mais un château en Espagne de ce qui aurait pu arriver." Cet ouvrage commencé pendant le voyage que fit Rétif à Sacy, en 1767, ne fut achevé qu'après son retour à Paris. C'est alors que l'auteur le mit au net et le porta au bureau de la police pour le faire examiner par la censure. Dans la déclaration du livre, un homme distrait ou malicieux inscrivit la Confession nécessaire, au lieu de la Confidence nécessaire, et le manuscrit fut envoyé à l'abbé Simon, bibliothécaire du comte de Clermont, abbé de Saint-Germain des Prés. L'abbé Simon ne devait pas être un censeur bien redoutable ; il se récusa pourtant et transmit le manuscrit à son collègue Marin, secrétaire de la librairie, lequel ne demanda que les changements convenables. Restif en garda une vive reconnaissance à Marin et confia son manuscrit à un libraire colporteur, nommé Kolman, qui le fit imprimer, mais qui ne donna pas un sou à l'auteur. « Je ne retirai rien de la Confidence nécessaire, dit Restif, ayant affaire à un coquin. » Restif s'était pourtant promis de vivre du métier d'homme de lettres, et il vécut, pendant quatre mois, avec les 3 louis que lui avait rapportés le petit roman de Lucile ! Le chevalier de Cubières, dans sa Notice sur Restif, fait remarquer que la Confidence nécessaire est une des compositions les plus erotiques de l'auteur. (Lacroix)

Il existe de ce texte deux autres éditions parues la même année 1769 (l'une d'elle est en réalité de 1778).

Cet ouvrage, l'un des premiers du jeune Rétif de la Bretonne (35 ans) devenu auteur depuis 1767 (La Famille vertueuse), parait la même année que le Pied de Fanchette.








"La Confidence nécessaire est une peinture de la situation de mon mon cœur lorsque, dans ma première jeunesse, j'aimais plusieurs filles à la fois : ce n'est pas une histoire véritable, mais c'est une situation vraie et un tableau fidèle. Cette production érotique (mots de Rétif) eut du malheur ; elle fut refusée du censeur, l'abbé Simon ; je ne pus d'abord la vendre ... M. Lebrun fut le second censeur de la Confidence nécessaire ... Il n'était pas possible qu'un abbé approuvât un roman aussi gaillard. Je le lui présentai moi-même comme étant de mon domestique ; nous parlâmes de moi fort librement la seconde fois et je me desservis sans le vouloir. L'abbé renvoya mon manuscrit à Marin, secrétaire de la Librairie, dans l'intention de le faire supprimer ; mais ce censeur de la Police me le rendit bonnement en me conseillant d'y faire les changements convenables." (Monsieur Nicolas, tome X, p. 12 et 16).

Personne ne dit où a été exactement imprimé cette édition. D'après les ornements gravés sur bois présents dans le volume (filets, culs-de-lampe, bandeaux) il se pourrait que l'impression ait été faite en Suisse (Lausanne ? Genève ? Neuchâtel ?). Une étude approfondie de ces ornements permettrait de s'en assurer avec plus de précision.

Références : Rives-Childs, IV, pp. 205-207 ; Lacroix, IV, n°1, pp. 92-95

Provenance : de la bibliothèque Bertrand Hugonnard-Roche avec son ex libris contrecollé au verso des couvertures.


Très rare dans cette condition. Les marges sont intactes, le papier non foulé par la presse des relieurs, les couvertures muettes en superbe état de fraîcheur. C'est l'une des conditions les plus désirables pour une édition originale de Rétif de la Bretonne.

Bel exemplaire en condition originelle brochée de ce roman par lettres de Rétif de la Bretonne.

Prix : 2.500 euros